Photographie : il recrée les montagnes qu'il ne peut plus gravir
Il a exploré les sommets et escaladé de nombreuses voies. En raison d'une infection bactérienne, Philippe Jaccard ne peut plus gravir les cimes. Aujourd'hui, il photographie des souches d'arbres au relief évocateur et les met en scène. Ses images donnent l'illusion des montagnes qu'il connaît bien.
Traverser les difficultés et se reconstruire. C’est l’histoire de Philippe Jaccard. Une histoire de résilience.
Il en parle simplement, peut-être par pudeur, comme d’une épreuve de plus dans un parcours sportif : il faut rebondir, se reconstruire et retrouver un certain niveau. Mais ce passionné de montagne et de sports d’endurance a surtout dû accepter ce qui lui est arrivé. «Je me retrouve aujourd'hui dans un état de fatigue chronique, qui est dû à une infection bactérienne. Probablement la morsure d'une tique», explique le Vaudois de 61 ans. «Cela entraîne une fatigue intense et une possibilité de récupération très limitée.»
«La perte de mes facultés sportives est probablement due à une morsure de tique.» Philippe Jaccard, créateur d'images
Cette infection a eu des conséquences importantes pour ce sportif accompli. «Sur trois ans, j'ai à peu près perdu toutes mes facultés sportives: ne plus arriver à monter au sommet d'une montagne, ne plus arriver à grimper, et finalement ne plus pouvoir marcher en 2016. A partir de là, j'ai dû reconstruire autre chose.»
Recherche de grandeur
Comme il aime être à l’extérieur, et ne pouvait plus gravir les sommets, Philippe Jaccard a choisi d’explorer les chemins autour de chez lui. En tant qu’alpiniste, il avait toujours son appareil photo dans le fond de son sac. Faire des images est donc revenu tout naturellement. Et un jour, quelque chose s'est produit sur le terrain. «Au moment où je photographiais des animaux, en restant immobile durant des heures, mon attention a été captée par autre chose. Dans les racines et les troncs autour de moi, j'ai réussi à décoder des images qui me rappelaient le relief des montagnes.»
« Dans les troncs d'arbres, j'ai réussi à décoder des images qui me rappelaient le relief des montagnes.» Philippe Jaccard, créateur d'images
C’est depuis le sol qu’il photographie ces écorces, dont le relief correspond exactement aux sommets qu’il connaît bien. Sous les doigts de Philippe Jaccard, le bois devient rocher. «La première chose, c'est d'arriver à retrouver une perspective qui va vers le haut, à partir d'éléments qui sont très bas. Donc souvent c'est en me mettant à plat ventre, pour essayer de voir la souche ou le tronc par le bas.»
En se mettant exactement dans le bon angle, le photographe parvient à retrouver une perspective d'arête fuyante. «En jouant un peu avec l'éclairage, j'arrive à retrouver des contrastes très profonds entre les piliers, les dièdres. Et finalement l'image se crée comme ça.» Des centaines de clichés sont nécessaires pour réaliser une seule image. Et un gros travail de postproduction est également indispensable pour donner l'illusion d'un sommet, comme si on y était.
La démarche artistique de Philippe Jaccard est philosophique, mais aussi clairement thérapeutique. Une façon pour lui de revivre l’ascension de ces montagnes qu’il aime tant. Et il le reconnaît : le processus est encore en cours, mais il lui permet d’aller de l’avant.
Dent Blanche dans les nuages.
Lenzpitze face nord.
L'exposition "Mirages d'images" est à découvrir du 24 décembre au 18 mars 2023, à la Petite Auberge de Lannaz, à Evolène.
Vernissage le 14 janvier, de 17h à 19h. Présence de l'artiste les 18 février et 17 mars, de 16h à 18h.