30 ans de l'OTS : "j'ai vu tous les corps, on ne peut pas oublier", dit l'ancien président de Salvan
30 ans après, ils n'ont rien oublié. Ils ont vécu de près le drame de l'Ordre du temple solaire et ont accepté de se replonger dans leurs douloureux souvenirs. Ce jeudi : Pierre-Angel Piasenta, l'ancien président de Salvan.
Suite de notre série commémorative sur les 30 ans de l'Ordre du temple solaire (OTS). Dans la nuit du 5 octobre 1994, le drame secouait Salvan et Cheiry. Peu avant l’aube, 23 cadavres sont découverts dans une ferme en feu du village de Cheiry, dans le canton de Fribourg. À peu près au même moment, un chalet en feu à Salvan, livre 25 cadavres. Rapidement l’enquête s'oriente vers l'OTS. Une secte apocalyptique, dont les membres semblent s’être volontairement, ou pas, donné la mort pour atteindre une autre dimension.
Quelques jours avant le drame, l'ancien président de Salvan, Pierre-Angel Piasenta, confie ses craintes à la police au sujet des occupants des chalets incriminés. Les va-et-vient de plusieurs véhicules immatriculés par des plaques de location inquiètent le politicien. "Je me posais des questions, mais plutôt par rapport à la drogue", se rappelle Pierre-Angel Piasenta. Les forces de l'ordre se sont d'ailleurs rendues sur place. Mais rien à signaler. "Il n'y avait personne. Les adeptes de la secte qui sont morts logeaient ailleurs, dans des appartements loués à Salvan, aux Granges et aux Marécottes", explique l'ex-président.
Le jour du drame, le téléphone de Pierre-Angel Piasenta retentit à quatre heures du matin. "Sur le moment, on ne comprenait pas ce qu'il se passait", avoue l'ex-politicien. "J'ai vu tous les corps, les enfants, on ne peut pas oublier", se confie-t-il.
Les gourous de la secte, des habitués du village
Les habitants de Salvan connaissaient bien les deux fondateurs de la secte, Luc Jouret et Joseph «Jo» di Mambro, qui ont aussi péri dans les incendies. "Je les ai rencontrés plusieurs fois, notamment monsieur di Mambro pour qui j'ai négocié sa taxation auprès de l’État du Valais", précise Pierre-Angel Piasenta. Les deux hommes sont aussi entrés en discussion sur des questions immobilières. À l'annonce du drame, l'ex-président de commune tombe des nues quant à l'existence de la secte. "On n'a jamais entendu parler de ça, jamais, jamais", insiste-t-il.
Le déferlement médiatique sur Salvan
En moins de quelques heures ce mercredi 5 octobre 1994, la commune de Salvan devient le quartier général de la presse mondiale. "Le commandant de la police valaisanne m'avait dit qu'il y allait avoir 30, 40, 50 journalistes. Je ne le croyais pas. Mais finalement, il y a eu 200 journalistes", chiffre Pierre-Angel Piasenta. "Les journalistes valaisans disaient à leurs confrères étrangers : c'est le maire. Et tout le monde m'arrêtait", se remémore-t-il. "Pendant une semaine, je suis passé tous les jours à TF1 et sur Antenne 2", ajoute-t-il.
Si les médias du monde entier se sont précipités aux abords des chalets calcinés, ce n'est pas le cas des habitants de Salvan. Ils sont restés à l'écart. "Les médias ont annoncé que c'était une secte et les gens ne sont donc pas venus", explique-t-il. L'absence de victimes de la région a aussi diminué l'effroi chez les locaux.
A Salvan, plus aucune trace du drame
Quelques années après la tragédie, les chalets calcinés ont été détruits. D'autres bâtisses ont été érigées. Plus rien ne rappelle le drame, même pas une plaque commémorative. "On n'a jamais voulu faire une plaque", justifie Pierre-Angel Piasenta. "On était indécis. On se demandait s'il fallait faire quelque chose pour les victimes. Mais, on ne voulait pas faire une plaque commémorative pour ces crapules", poursuit-il. "L'histoire restera même sans plaque dédiée à cette secte", résume l'ancien président de commune. Pierre-Angel Piasenta n'a d'ailleurs eu aucun contact avec les familles des victimes après la tragédie.