Réfugié en Valais depuis dix ans, Moumen Tabekh réagit à la chute de Bachar al-Assad en Syrie
Témoignage d'un syrien réfugié en Valais depuis dix ans à l'annonce de la chute du régime syrien.
Le pouvoir de Bachar al-Assad s'est effondré dimanche en Syrie face à l'offensive fulgurante de groupes rebelles menés par des islamistes radicaux. Celle-ci a mis fin à un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad et plonge le pays dans l'incertitude.
Dans le centre de Damas, la capitale dont les rebelles ont annoncé la "libération", plusieurs dizaines de personnes ont renversé et piétiné une statue du père de Bachar al-Assad, Hafez, qui a dirigé la Syrie depuis 1971 jusqu'à sa mort en 2000, selon des images de l'AFP.
A travers le pays, d'autres manifestants ont déboulonné les statues d'Assad père et fils, comme à Hama, dans le centre, à Alep, dans le nord, ou à Deraa, dans le sud.
Sur la place des Omeyyades à Damas, les tirs d'armes à feu en signe de joie se mêlaient aux cris "d'Allah Akbar" ("Dieu est le plus grand").
"On attendait ce jour depuis longtemps", a déclaré Amer Batha, joint au téléphone par l'AFP depuis cette place. "Je n'arrive pas à croire que je suis en train de vivre cet instant", lâche ce Syrien qui fond en larmes: "C'est une nouvelle histoire qui commence pour la Syrie".
A la télévision publique, les rebelles ont annoncé la chute du "tyran" Bachar al-Assad.
Ils ont dit avoir libéré tous les prisonniers "injustement détenus" et appelé à sauvegarder les biens de l'Etat syrien "libre".
L'effondrement presque instantané du régime ouvre une ère d'incertitude en Syrie, morcelée par la guerre civile qui a fait près d'un demi-million de morts depuis 2011 et livrée à des groupes soutenus par différentes puissances étrangères.
L'émissaire des Nations unies en Syrie, Geir Pedersen, a appelé dimanche à garder des "espoirs prudents" après la prise de Damas, qu'il a qualifiée de "moment décisif". Paris et Berlin notamment ont salué la chute de Bachar al-Assad.
La Turquie, très influente en Syrie où elle soutient certains groupes rebelles, a appelé les pays de la région et au-delà à assurer une "transition en douceur" et dit être en contact avec les rebelles pour garantir la sécurité.
La nouvelle administration syrienne ne doit pas "constituer une menace" pour les pays voisins, a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, ajoutant que Bachar al-Assad avait "probablement" quitté la Syrie.
Des millions de déplacés syriens "peuvent retourner sur leurs terres", a-t-il affirmé.
"La Syrie est à nous, elle n'est pas à la famille Assad", scandaient des rebelles armés qui sillonnaient les rues de Damas, tirant en l'air.
Les soldats de l'armée syrienne se débarrassaient à la hâte de leur uniforme, en sortant du siège de l'état-major sur la place des Omeyyades, ont raconté à l'AFP des habitants.
"Assad a quitté la Syrie via l'aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent" le site, a déclaré à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.
L'AFP n'était pas en mesure de confirmer de source officielle où se trouvait le président qui a dirigé d'une main de fer la Syrie pendant 24 ans, réprimant en 2011 dans le sang des manifestations prodémocratie qui se sont transformées en guerre civile.
"Les événements extraordinaires" en cours en Syrie, sont suivis "attentivement" par le président américain, Joe Biden, selon la Maison blanche.
Le président élu, Donald Trump, a lui aussi affirmé que Bachar al-Assad avait "fui" la Syrie après avoir perdu le soutien de la Russie, son principal allié.
Le soutien de Moscou, dont les troupes sont mobilisées par la guerre en Ukraine, s'est effrité tout comme celui de l'Iran et du mouvement islamiste libanais Hezbollah, sortis affaiblis de la guerre au Liban, laissant le régime isolé face à l'offensive rebelle déclenchée le 27 novembre dans le nord-ouest de la Syrie.
La télévision d'Etat iranienne a annoncé dimanche, images à l'appui, que l'ambassade d'Iran en Syrie avait été saccagée par des inconnus.
"Les diplomates iraniens avaient évacué les locaux avant l'assaut", selon le quotidien anglophone Tehran Times, citant le porte-parole de la diplomatie iranienne.
En quelque jours, devant l'effondrement des forces gouvernementales, les rebelles menés par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, ont conquis de vastes territoires et les grandes villes d'Alep et de Hama.
Ils ont annoncé dans la nuit de samedi à dimanche avoir pris le contrôle de Homs, la troisième ville du pays au nord de Damas, puis être entrés dans la capitale.
Les rebelles ont lancé un appel "pour rentrer en Syrie libre" aux Syriens déplacés à l'étranger par la guerre civile.
Un responsable des Emirats arabes unis a appelé les Syriens à travailler ensemble pour éviter "le chaos".
HTS, en rupture avec le djihadisme d'Al-Qaïda, tente depuis plusieurs années de proposer une alternative politique dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, qu'il contrôle depuis 2019, sans réellement convaincre les chancelleries occidentales.
Dans une vidéo publiée sur Facebook, le Premier ministre syrien, Mohamed al-Jalali, s'est dit prêt à coopérer avec tout nouveau "leadership" choisi par le peuple, précisant qu'il serait dimanche matin dans ses bureaux pour toute procédure de "passation" de pouvoir.
"Après 50 ans d'oppression sous le (parti au) pouvoir du Baas, et 13 années de crimes, de tyrannie et de déplacements, (depuis le début du soulèvement en 2011, ndlr) nous annonçons aujourd'hui la fin de cette ère sombre et le début d'une nouvelle ère pour la Syrie", ont déclaré les rebelles.
Le chef du HTS, Abou Mohammad al-Jolani, à la tête de la coalition rebelle, a appelé ses combattants à ne pas s'approcher des institutions publiques, ajoutant que celles-ci restaient sous contrôle du Premier ministre jusqu'à la "passation officielle"
Au sud de la capitale, près de la frontière jordanienne, les troupes gouvernementales ont perdu le contrôle de la ville de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, au profit de forces locales, selon l'OSDH.
Dans l'est du pays, dans la province de Deir Ezzor, les forces gouvernementales se sont retirées de territoires sous leur contrôle et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes s'y sont déployées.