Plaque sciée, portraits décrochés : des associations proches de l'abbé Pierre en Valais réagissent
17 nouvelles victimes ont accusé l'abbé Pierre d'agressions sexuelles, selon un nouveau rapport paru vendredi dernier. En Valais, l'Association La vigne à Farinet, dont le vignoble a appartenu à l'abbé Pierre, a décidé de se désolidariser de cette figure emblématique. Emmaüs Valais suit le pas.
La parole s'est une nouvelle fois libérée à la suite des accusations d'agressions sexuelles de la part de l'abbé Pierre. Un rapport du groupe Egaé, mandaté par Emmaüs, a compilé les témoignages de 17 nouvelles victimes, parmi lesquelles des Suissesses. Baisers imposés, fellations forcées, propos à caractère sexuel ; certains des faits concernent des mineurs ou relèvent du viol, selon le rapport. Ces témoignages interviennent sept semaines après les premières révélations.
À la suite de ces 17 nouvelles accusations, la Fondation Abbé-Pierre a d'ailleurs annoncé un changement de nom. De son côté, Emmaüs France souhaite retirer la mention "fondateur abbé Pierre" de son logo.
Passé définitivement brisé
Ces nouvelles révélations ont également trouvé un écho à Saillon. Car entre 1994 et 1999, l'abbé Pierre a été propriétaire de la vigne à Farinet sur les hauts de la commune.
Un quart de siècle plus tard, l'Association La vigne à Farinet, dont Christian Thurre est l'actuel responsable avec ses enfants a, elle aussi, décidé de se désolidariser de l'abbé Pierre : "On ne pouvait pas ne rien faire", explique Christian Thurre. "Il fallait signifier notre distance par rapport à ses agissements, sans gommer le fait qu'il soit venu à la vigne".
L'association a donc symboliquement décidé de scier la plaque au nom de l'abbé Pierre et de la remettre à sa place. Une manière de faire comprendre qu'elle n'efface pas le passé, mais que quelque chose s'est définitivement brisé.
"L'esprit de la Colline Ardente ne changera pas parce qu'il ne repose pas sur les personnalités qui sont venues. L'esprit repose sur des valeurs comme la solidarité, la rencontre, l'amitié", affirme encore Christian Thurre.
Par ces paroles, ce dernier espère aussi envoyer un message fort à toutes les personnes qui ont subi ces agressions : "j'ai un énorme respect pour celles qui ont eu le courage de sortir du silence", confie Christian Thurre. Et d'ajouter : "mes premières pensées vont pour ces victimes. Elles ont osé déboulonner cette figure emblématique qu'est l'abbé Pierre pour une parole de vérité".
Emmaüs Valais retire les portraits de l'abbé Pierre
Emmaüs est à l'origine des révélations du mois de juillet 2024. Elles ont provoqué une onde de choc, notamment en France. En Suisse, la communauté Emmaüs s'est depuis longtemps émancipée de son cofondateur. "On ne pourra plus du tout garder l'abbé Pierre comme figure emblématique du mouvement", reconnaît Olivier Salamolard, directeur d'Emmaüs Valais. "Sans renier l'histoire, car il reste le cofondateur", ajoute-t-il.
Face à cette deuxième salve d'accusations, Emmaüs Valais a décidé ce week-end de retirer les portraits de l'abbé Pierre. "Tout ce qui est mobile, comme les tableaux, va être décroché par respect pour toutes les victimes d'agressions sexuelles", explique Olivier Salamolard. "On ne fait pas ce qu'on veut même quand on est l'abbé Pierre. Nous, on est toujours du côté des plus faibles", assure le directeur d'Emmaüs Valais.
Depuis les premières révélations, Emmaüs Valais n'a pas subi de conséquences financières liées à l'affaire. "Les gens connaissent Emmaüs pour ce qu'est Emmaüs. Pas du tout en tant qu'héritage de l'abbé Pierre", souligne Olivier Salamolard. "On n'est pas sanctionné des actes de l'abbé Pierre", poursuit-il. "Tout le monde est déçu. On s'attendait à un comportement bien plus exemplaire de la part de celui qui incarnait l'humanisme et la charité", tacle le directeur d'Emmaüs Valais.