Parc naturel régional du Trient: ne pas répéter les erreurs de «Hérens 2011»
Bien loin du tourisme intensif, la région du Trient cultive plutôt le calme de la nature. La vallée est d’ailleurs candidate au label Parc naturel régional. Nous découvrons le cinquième val de notre série estivale avec une plongée dans l’univers de la Vallée du Trient.
On se penche ce mardi sur la question du tourisme dans la Vallée du Trient, avec un projet qui sort de la norme : la création d’un Parc naturel régional qui engloberait les communes de Saint-Maurice, Evionnaz, Vernayaz, Martigny-Combe, Salvan, Finhaut et Trient. La surface a été estimée à 222 km2.
C’est à Salvan que nous rencontrons les porteurs de projet : Emmanuel Revaz, coprésident du comité de pilotage, député Vert.e.s au Grand Conseil et habitant de la commune. Florian Piasenta, également coprésident du comité de pilotage, président de Salvan et à la tête du PLR Valais-Wallis. Et enfin, Luc Pignat, le responsable du dossier Parc naturel régional du Trient en charge de toute la question opérationnelle, également directeur de Vallée du Trient Tourisme.
« C'est clair que pour la notoriété de la région, le parc naturel va nous aider à attirer des voyageurs.»
Luc Pignat, responsable du projet Parc naturel régional du Trient.
Quand nous les voyons ce lundi, ils sortent justement d’une séance de travail pour le parc. En effet, après avoir officialisé leur statut de candidat au label à la fin de l’année dernière, ils planchent désormais sur la concrétisation des 41 initiatives proposées dans le cadre d’ateliers participatifs.
Plusieurs axes ont été choisis : biodiversité, paysage, économie durable, sensibilisation, éducation, communication et gouvernance. Sans oublier le tourisme. Mais s'il s'agit d'un point à nuancer, selon Luc Pignat: « C'est clair que pour la notoriété de la région, le parc naturel va nous aider à attirer des voyageurs. Il s'agira d'un tourisme de qualité, des personnes qui souhaitent un retour aux sources, à la nature. Mais il s'agit également d'un projet plus global.» Pour lui, il s'agira effectivement d'améliorer les flux de ces touristes, c'est-à-dire prendre en compte les solutions de mobilité à l'intérieur du parc. «Ne ne feront pas dans du tourisme de masse», précise-t-il.
Le parc, un levier financier pour la région
L'une des priorités reste donc l’équilibre entre affluence et impact humain. «Pouvoir "driver" les touristes dans notre région est l'un des points les plus importants, ajoute Florian Piasenta. Cela passe par la revalorisation de nos chemins pédestres, mais également les autres moyens de communication.» Et économiquement parlant, cela sera intéressant pour la région, selon le coprésident. «Les 41 projets qui sont issus d'idées de citoyennes et citoyens auraient pu être proposés par les Communes "en direct", sauf que l'on aurait dû payer la facture à 100%.»
Dans ce cas de figure, le parc représente un levier financier pour la région. La Confédération participe en effet pour moitié à la mise en place du projet. Sur les 2,6 millions de francs (sur 3 ans), elle investira de 50%, le Canton du Valais se charge de 25%, 20% devront être payés par les Communes et les 5% restants seront pris en charge par des fonds privés ou associatifs.
Tulipes, sauterelles et papillons
Mais les porteurs de projet souhaitent le rappeler : ce projet de Parc naturel régional du Trient a certes un volet économico-touristique, mais son application est bien plus inclusive des enjeux actuels. Le label permettra de préserver toute une biodiversité spécifique à la région.
«Nous avons mis l'accent sur trois espèces emblématiques qui sont menacées d'extinction, explique l’écologiste Emmanuel Revaz. La tulipe sauvage que l'on trouve encore à Salvan. Ensuite, une espèce incroyable de sauterelles qui est le plus grand insecte d'Europe, que l'on appelle la Magicienne dentelée et dont il existe deux sites de région en Suisse où elle subsiste encore. Enfin, une espèce de papillons forestiers étroitement liés aux exploitations agricoles. Dans ce cas, par exemple, nous voulons travailler en étroite collaboration avec les agriculteurs.»
Ne pas reproduire le scénario «Hérens 2011»
Reste à aborder la question des contraintes à l’obtention d’un tel label. Et ce sera l'un des gros enjeux. Puisque le comité de pilotage a jusqu’à 2024 pour monter un dossier suffisamment convaincant pour faire adhérer la population à une vision commune. Le verdict se fera dans les urnes. Une votation qui pourrait tout faire basculer.
C’est du moins ce qu'ont vécu les communes du Val d'Hérens en 2011.
Il y a donc onze ans, les Agettes, Evolène, Saint-Martin, Hérémence et Grône avaient dit « non » à un tel projet dans leur région. Seuls Vex et Mont-Noble s’étaient prononcés favorablement. L’UDC avait été l'unique parti officiellement opposé au Parc naturel régional, craignant une ingérence des instances fédérales et une mainmise écologiste sur les projets communaux. Quelques personnalités, notamment dans le milieu de la chasse et au sein du Groupement des populations de montagne avaient enfoncé le clou.
Écueils et fausses idées
Les responsables du Parc du Trient en sont bien conscients. Il s’agit donc de ne pas reproduire les mêmes erreurs. « Je pense que le gros travail pour nous sera d'éviter que de fausses idées, de fausses images soient véhiculées, se projette Emmanuel Revaz. Nous avons maintenant deux ans pour dire à la population ce qu'est un parc régional. Il faut bien comprendre que ce n'est pas un parc national ni une réserve naturelle. Et en informant bien, cela évitera de tomber dans un certain nombre d'écueils.»
Selon le concept cantonal en la matière, un Parc naturel régional a pour but «de conserver et de mettre en valeur la qualité de la nature et du paysage; et de renforcer les activités économiques axées sur le développement durable, qui sont exercées sur son territoire et d’encourager la commercialisation des biens et des services qu’elles produisent.» Alors concrètement, quelles seront les contraintes pour la Vallée du Trient ? «Il n'y a pas de politique, bien au contraire, affirme Florian Piasenta. Le parc est une plateforme de discussion où on peut avoir plusieurs interlocuteurs, les agriculteurs, les hôteliers, les restaurateurs. Tout le monde pourrait venir autour de la table pour discuter et trouver des solutions d'avenir ensemble.»
Pour l'instant, le comité est confiant.