Lutte contre le travail au noir: gastronomie et agriculture attendront leur badge
Les entreprises de la construction devront équiper leurs ouvriers de badge électronique pour lutter contre le travail au noir. Pourquoi seulement cette branche? Les milieux de la gastronomie, l’agriculture et l‘économie domestique sont-ils les grands oubliés? Les syndicats chrétiens répondent.
Les ouvriers devront être munis d’un e-badge pour travailler. Ce document électronique a pour objectif de vérifier en un clin d’œil la validité du contrat de travail d’un employé, son permis de séjour et tout autre élément lié à ses conditions d’engagement. Une manière de lutter contre le travail au noir. Il concernera les domaines du gros œuvre et du second œuvre, ainsi que les paysagistes et les entreprises de nettoyage. L’e-badge devrait être mis en place en 2025 sous forme d’essai pilote sur les chantiers mandatés par l’État.
Mais ce projet, approuvé par le Grand Conseil à la fin de l’année dernière, irrite. Olivier Imboden est lui-même député, mais il est surtout entrepreneur, et il regrette que la mesure ne touche que la branche de la construction. «C’est vrai que le travail au noir fait perdre environ 1 milliard de francs par an à l’économie et au fisc. Ce n’est pas correct, admet-il. L’introduction du e-badge permettra au moins de réduire ce phénomène. Mais la loi actuelle crée une inégalité.»
«Un ouvrier d’usine ou un cuisinier peut travailler au noir sur le chantier sans être sanctionné, contrairement à un maçon ou un constructeur métallique. Ce n’est pas normal.»
Olivier Imboden, député Le Centre Haut-Valais et entrepreneur
Il affirme par exemple que lors d’un contrôle sur un chantier, seule une partie des ouvriers seraient contrôlés. «Un ouvrier d’usine, un agent fiduciaire ou un cuisinier peut travailler au noir sur le chantier sans être sanctionné, contrairement à un maçon ou un constructeur métallique, illustre-t-il. Ce n’est pas normal.»
D’autres branches occupent également le haut du classement en matière de travail au noir. Bernard Tissières, coordinateur aux syndicats chrétiens, cite le domaine de l’agriculture, de la gastronomie ou encore de l’économie domestique. «Ces branches sont moins organisées que celle de la construction», explique-t-il. A noter que la demande pour ce e-badge vient des partenaires sociaux de la construction eux-mêmes. Mais pour Olivier Imboden c'est «un manque d’ambition.»
Agriculture et gastronomie dans un deuxième temps
Reste que dans la mise en place de ce projet, ces secteurs semblent jouer le rôle des grands oubliés. «Non, ce n'est pas le cas, répond Bernard Tissières. Nous avions réfléchi, au départ, à les intégrer dans le projet. Mais nous en avons conclu que ce serait très complexe de collecter les informations et de mettre le système en place. Nous avons décidé qu’il valait mieux commencer dans les secteurs déjà bien organisés.» Dans un deuxième temps, des extensions pourraient être imaginées, selon le syndicaliste.
«Nous avons décidé qu’il valait mieux commencer dans les secteurs déjà bien organisés.»
Bernard Tissières, coordinateur aux syndicats chrétiens
Une évidence pour Olivier Imboden. «Les branches devraient s’entendre avec les partenaires sociaux et les associations professionnelles et adhérer à la nouvelle loi.»
Quelle protection dans les branches hors construction?
En attendant, Bernard Tissières affirme que les travailleuses et travailleurs dans ces métiers ne sont pas laissés pour compte. «Il y a toujours la possibilité de dénoncer au travers d’une permanence téléphonique, détaille-t-il. Il y a également une application "BKMS" qui permet à tout un chacun de porter à la connaissance des autorités des cas de soupçon de fraude, que ce soit aux assurances sociales, à la loi sur les étrangers ou au rapport au non-respect des conventions collectives de travail.»
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En parallèle, des contrôles sont effectués. «L’inspection du travail a également toujours cette possibilité. Dans le cas de plaintes collectives, on peut imaginer des contrôles pour vérifier s’il y a abus ou non.» Pour Bernard Tissières, cette solution transitoire est donc la meilleure. «Mais dans l'idéal et dans un deuxième temps, ce serait évidemment tout à l'avantage des autres domaines d'adhérer à ce genre de programmes. C'est meilleur pour l'image et la crédibilité.»
D’ici l’entrée en vigueur en 2025 de cette mesure, les travaux préparatifs coûteront quelque 3 millions de francs.