La Grande-Dixence célèbre son soixantième anniversaire
Le 22 septembre 1961, la dernière benne de béton est posée sur le gigantesque mur. La construction du barrage a changé la face de la commune d’Hérémence et bouleversé la vie de ses habitants.
Ils sont 3'000 invités à assister à cet événement symbolique. Ce jour-là, les ouvriers coulent les derniers des six millions de mètres cubes qui auront été nécessaires à la construction du barrage. Il aura fallu huit ans pour ériger le gigantesque mur de 285 mètres, qui fait de la Grande-Dixence le plus haut barrage-poids du monde, un record qui tient toujours.
De profonds changements sociaux
Albert Sierro habite depuis toujours dans le village d’Hérémence. Après avoir participé à l’édification de la Grande-Dixence, il a passé toute sa carrière sur le barrage, soit près de quarante ans. D’après lui, si l’ouvrage hydroélectrique a changé la face de sa commune, les habitants étaient largement favorables à sa construction.
A l’ouverture du chantier en 1953, la société valaisanne est essentiellement paysanne. L’arrivée de ce géant de béton à Hérémence bouleverse la vie des habitants de la région. La plupart d’entre eux deviennent des ouvriers du barrage. « L’économie agricole est peu axée sur l’argent. Les hommes que nous avons interrogés dans nos recherches nous disent que les seules choses qu’ils achetaient étaient du sel et des clous. Au moment où ces paysans deviennent des ouvriers, ils changent complètement d’insertion sociale en devenant des salariés pour la première fois pour beaucoup d’entre eux. L’arrivée de l’argent sera fondamentale pour voir une société qui vivait en autarcie s’ouvrir peu à peu et avoir des possibilités qu’elle n’avait pas auparavant », détaille l’historienne Marie-France Vouilloz-Burnier, qui a mené des recherches sur les transformations sociales provoquées par la construction des grands barrages.
Marie-France Vouilloz-Burnier raconte que les autorités communales hérémensardes ont demandé qu’en compensation des concessions hydrauliques, les entreprises engagent essentiellement des travailleurs de la région pour bâtir la Grande-Dixence.
Un fardeau pour les propriétaires ?
Aujourd’hui, ce barrage fait partie de l’identité du Valais. Cependant, il vit une période incertaine, avec un prix du kilowattheure qui évolue rapidement et qui est parfois inférieur au coût de production, des travaux d’entretien à réaliser et l’absence de subventions pour rénover les installations. La Grande-Dixence ne risque-t-elle pas de devenir un fardeau pour ses propriétaires ? « C’est vrai que c’est difficile de conjuguer la stabilité nécessaire pour faire des investissements dans les ouvrages hydroélectriques, qui ont besoin de plusieurs décennies pour être rentables, et des conditions économiques extrêmement volatiles et changeantes. Les propriétaires doivent donc prendre des risques d’investissement importants, en ayant très peu de visibilité sur ce qui va se passer dans le futur. Mais fondamentalement, grâce à son stockage et à sa flexibilité, je suis persuadé que la Grande-Dixence a une belle carte à jouer dans le système électrique à l’avenir » explique Amédée Murisier, responsable de la production hydroélectrique chez Alpiq, actionnaire majoritaire de Grande-Dixence SA avec 60% des parts.
La Grande-Dixence produit 20% de l’énergie hydroélectrique suisse. Selon Amédée Murisier, construire un tel barrage aujourd’hui aurait toujours du sens. « Il existe des projets à différents niveaux de maturité, en particulier dans la région du Gorner, qui représentent des opportunités uniques de renforcer encore ce rôle de Grande-Dixence », déclare-t-il tout en soulignant la nécessité de procéder à une pesée d’intérêts entre la production énergétique et la protection de l’environnement.