L'un des organismes chargés de l'éducation sexuelle en Valais dans le viseur des députés
Deux organismes sont chargés de donner les cours d'éducation sexuelle dans les écoles valaisannes. L'un d'eux forme ses intervenants dans une institution d'orientation catholique. Des députés craignent un prisme religieux sur certains thèmes sensibles.
Certains cours d'éducation en santé sexuelle en Valais sont-ils donnés avec un prisme religieux ? Quatre députés – PS, Vert, PLR et Centre – ont déposé un postulat au Grand Conseil pour demander une éducation sexuelle laïque et professionnelle dans les écoles valaisannes. Dans leur viseur : l'AVIFA. L'association intervient dans une dizaine d'établissements scolaires valaisans. Les autres écoles, donc la grande majorité, font appel aux centres SIPE.
Les intervenants du SIPE bénéficient d'un DAS, un diplôme universitaire d'études avancées, en santé sexuelle. Une formation dispensée par l'Université de Genève, l'Université de Lausanne et la HES-SO. "Pour l'AVIFA, l'Etat ne demande pas de formation universitaire", dénonce Aude Rapin, députée-suppléante socialiste et auteure du postulat.
Les intervenants de l'AVIFA sont formés dans une institution française, d'orientation catholique, CLER. "Si une matière à l'école est enseignée avec un prisme religieux, on change le fond de ce qui est enseigné", s'indigne l'élue PS. "On veut que le cadre et la matière soient fixés de manière laïque pour tous les élèves valaisans", ajoute-t-elle. Dans leur postulat, les députés craignent que certains thèmes, comme l'orientation sexuelle, la pornographie, la contraception ou encore l'avortement, soient abordés avec un biais religieux.
L'AVIFA rétorque
Contactée, l'AVIFA réfute les accusations portées à son encontre. Elle assure dispenser des cours de manière laïque et professionnelle. "Religion et éducation sexuelle sont deux choses complètement différentes", souligne Romaine Pellouchoud, présidente de l'AVIFA. "Toutes les thématiques en lien avec l'éducation sexuelle sont abordées", rassure-t-elle.
Quant à la formation de ses intervenants, l'AVIFA se veut rassurante. L'institution française "CLER" a certes une connotation religieuse, admet Romaine Pellouchoud, mais parce qu'elle est reconnue par la Conférence des évêques de France. "Mais ça ne veut pas dire qu'elle est sous la coupe de l’Église", insiste la présidente de l'AVIFA. Elle rappelle que l'organisme est aussi reconnu par le Ministère français des affaires sociales et de la santé.
Les centres SIPE aussi critiqués
Le postulat fait suite à une interpellation déposée en 2022 au Grand Conseil, toujours par Aude Rapin. Dans sa réponse, le chef du Département de l'économie et de la formation, Christophe Darbellay, pointait lui du doigt les centres SIPE. "J’ai des retours de parents surtout par rapport à des interventions du SIPE, qui sont quand même, passez-moi l’expression très trash et très directes, et qui peuvent parfois heurter la sensibilité et l’éducation de certaines familles", précisait le conseiller d'Etat à la tribune du Grand Conseil.
L'AVIFA informe qu'elle dispose d'un mandat de prestations avec l'Etat du Valais avec des objectifs clairs et qu'elle est soumise à des contrôles. Elle reconnaît toutefois une approche différente que celle des centres SIPE, moins frontale et basée sur les interrogations des élèves. "On écoute les jeunes, on parle de leurs préoccupations, et on leur donne des informations objectives et scientifiques", détaille Romaine Pellouchoud. "C'est une richesse d'avoir des approches différentes, comme un professeur de français a la liberté de traiter son thème d'une façon ou d'une autre", défend-elle.
Dans sa réponse à l'interpellation d'Aude Rapin en 2022, Christophe Darbellay rappelait que les communes étaient libres de faire appel aux centres SIPE ou l'AVIFA pour les cours d'éducation en santé sexuelle. "Ce que je constate, c’est que certaines communes d’obédience un tout petit peu plus conservatrice choisissent plutôt l'AVIFA que le SIPE, donc je peux imaginer qu’il y a une sensibilité un tout petit peu plus conservatrice à l'AVIFA qu'au SIPE", reconnaissait Christophe Darbellay. Et d'ajouter : "Mais sur le contenu en principe, il ne devrait pas y avoir de différence trop fondamentale". Même son de cloche du côté de Romaine Pellouchoud. "L'AVIFA a une étiquette plus conservatrice que le SIPE", conçoit-elle à son tour.
Le postulat sera débattu mercredi matin au Grand Conseil.