Introduire des poissons dans nos lacs et rivières ne fait pas l'unanimité en Valais
Chaque année, pour le bonheur des pêcheurs, des tonnes de poissons sont élevés en pisciculture, puis relâchés dans les lacs et rivières en Valais. Utile ou pas : la question fait toujours débat. Le canton souhaite à l'avenir promouvoir la renaturation des cours d'eau.
Pour l’ouverture de la pêche en plaine, quelque 4000 kilos de truites fario ont été introduites dans les rivières entre le 22 et le 28 février. Chaque année, ce sont 28'000 kilos de poissons au total, qui sont déversés dans l'ensemble des lacs et rivières du canton. Et année après années, la question revient sur la table : relâcher des tonnes de poissons dans nos cours d’eau est-il vraiment utile ?
Suivi régulier du canton
Le canton fait un suivi régulier de ce repeuplement piscicole, depuis l'éclosion des œufs jusqu’aux truites adultes. "Nous allons suivre les boîtes à éclosion disposées dans les cours d'eau pour voir si celle-ci a eu lieu et si on retrouve des alevins dans la rivière", explique Arthur Royston, hydro-biologiste au Service de la chasse, de la pêche et de la faune.
"Pour les juvéniles, nous allons marquer un petit os qui est dans la tête du poisson. Nous regardons ensuite dans le panier du pêcheur, pour voir si le poisson est marqué ou si c'est un poisson naturel. Nous avons remarqué qu'environ 30% de poissons sont issus du repeuplement, ce qui signifie que ces poissons survivent à l'âge adulte. Mais on ne sait pas exactement si ce poisson a pris la place d'un poisson naturel, ou s'il a simplement été ajouté à la population locale. Nous devrons mettre en place des études supplémentaires pour tenter de le découvrir."
Arthur Royston rappelle que le repeuplement n’est pas un remède miracle : c’est une solution palliative qui permet de contrer le manque de reproduction dans un cours d’eau. Pour cela, le canton prélève des reproducteurs directement dans leur milieu naturel. Ce sont ensuite les sociétés de pêche qui s’occupent de l’élevage des poissons qui seront relâchés.
Impactés par les travaux et la pollution
Et selon Bernard Broye, président de la Fédération cantonale valaisanne des pêcheurs amateurs, ils parviennent à survivre. "J'en suis sûr à 100%. S'ils ne sont pas impactés par des phénomènes externes tels que travaux de sécurisation violents avec des machines, extraction de gravier, pollution, ils survivent. Ils sont plus menacés par ces effets-là que par les 2'500 pêcheurs en Valais."
Pour Daniel Morard, membre de la Section des pêcheurs de Sion, l'alevinage ne serait pas efficace. "Les cours d'eau du canton sont particulièrement dégradés, ce qui empêche les poissons de se développer et d'atteindre la taille adulte. La seule solution est de déverser des poissons adultes pour la pratique de la pêche. Il y a au moins un retour au panier pour le pêcheur. Sans cela, il trouverait très peu de poissons à l'ouverture de la pêche."
Daniel Morard rappelle que les habitats des poissons sont fortement impactés par les vidanges de barrages et les cours d'eau canalisés. "Le top du top est d'intervenir sur le milieu plutôt que d'utiliser des mesures artificielles de repeuplement."
Offrir des habitats favorables
Un avis partagé par Jérémy Savioz, chargé d’affaires chez Pro Natura Valais. Pour lui, nos cours d’eau sont actuellement de très mauvaise qualité. Il préconise plutôt leur renaturation. "Le repeuplement piscicole peut être accepté dans des milieux artificiels, comme des lacs de barrages ou des lacs fermés qui n'ont pas de connexion avec des cours d'eau. Mais dans les milieux avec des écosystèmes qui doivent fonctionner naturellement, on préconise vraiment d'améliorer la qualité de ces milieux. Car la plupart de nos cours d'eau sont de très mauvaise qualité, pas seulement en Valais, mais partout en Suisse."
Pour Jérémy Savioz, le repeuplement par l'alevinage, à savoir des œufs ou de très jeunes individus, peut être possible lorsque aucune autre mesure n'est envisageable. "Par contre, relâcher de très grandes truites, qui vont être des prédatrices pour les poissons indigènes et les batraciens, ne devrait plus être toléré."
Le canton étudie actuellement d’autres solutions. Selon Arthur Royston, le Service de la chasse, de la pêche et de la faune souhaite à l’avenir promouvoir la renaturation et offrir des habitats favorables aux poissons et à leur reproduction.
L'Office fédéral de l'environnement (OFEV), recommande de privilégier des actions de restauration des milieux et, quand c'est possible, de stopper toute action de rempoissonnement.
L'OFEV remet en question le rempoissonnement
Selon une étude de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) parue en 2023, les résultats obtenus remettent en question la nécessité des rempoissonnements en truites effectués en Suisse. Toujours selon cette étude, il apparaît cependant que le rempoissonnement peut s’avérer efficace pour soutenir une activité pêche sur les plans d’eau ayant une qualité d’eau problématique.
Enfin, pour l'OFEV, la réintroduction d’espèce disparue peut justifier un déversement de poissons, si les causes de la disparition sont assainies et si une recolonisation naturelle n’est pas possible.
Ainsi, selon cette étude, la synthèse des enseignements recueillis en Suisse rejoint les conclusions scientifiques, qui montrent que la restauration fonctionnelle du milieu est la seule action qui améliore durablement la situation de la faune aquatique. En conséquence, et compte tenu des risques qu’il fait encourir à la biodiversité, il conviendrait idéalement de stopper toute action de rempoissonnement. À défaut, sa pertinence, là où il est encore pratiqué, doit être systématiquement vérifiée à l’aide d’un suivi robuste et cohérent, indique encore le document.