Gros retournement de situation: l'élection au Conseil d'Etat devrait se faire au scrutin majoritaire
C'était la surprise de ce jeudi. Les membres de la Constituante ont choisi de revenir sur une décision jusque-là acquise. L’élection du Conseil d’Etat devrait finalement se faire au scrutin majoritaire. Une victoire pour Le Centre, mais une gifle pour la diversité des opinions, selon l'opposition.
C’est un gros retournement de situation qui a eu lieu lors des débats à la Constituante en «deuxième lecture bis». Jusque-là le plénum avait favorisé le système proportionnel, c’est-à-dire un mode de scrutin qui, selon ses partisans, laisserait davantage de place aux plus petits partis. Mais ce jeudi, lors de cet ultime débat réservé aux douze articles les plus clivants, le vent a tourné. 69 élus contre 43 (13 abstentions) ont préféré garder le mode de scrutin comme il est actuellement, c’est-à-dire, à la majoritaire. Avec une petite nuance: les noms des candidats seraient inscrits sur un bulletin unique.
C’est une victoire pour le camp du Centre, souvent considéré comme le grand gagnant de ce système. « Nous avons toujours milité pour 7 conseillers d'Etat au système majoritaire, réagit Kamy May, cheffe de groupe du Centre. L'augmentation du nombre de ministres est pour nous une amélioration. Pas question de rester sur un statu quo: nous voulons faire avancer le système et supprimer ces départements mammouths.» Pour elle, il s'agit également de permettre une meilleure représentation de la diversité du canton. « Mais un système proportionnel à 7 élus, ça ne joue pas. Il aurait fallu au moins 10 conseillers d'Etat pour que cela ait du sens.»
Dans le camp des déçus, on retrouve Jean Zermatten et son groupe. Il est élu Appel citoyen et l’un des pères de cette réforme de la Constitution. « Je milite depuis toujours pour un scrutin proportionnel et c'était une des raisons pour lesquelles je m'étais investi dans le lancement de la Constituante.» Selon lui, il s'agit d'une question de justice. «La proportionnelle permet une représentation du plus grand nombre, au contraire de la majoritaire qui concentre le pouvoir dans les mains de quelques-uns.»
Il regrette donc ce changement de direction qu'a pris la Constituante. « Jusque-là, nous avions voté trois fois pour la proportionnelle: à la lecture de principe, à la première lecture et à la seconde lecture. Mais là, il y a eu un revirement, notamment des Verts qui ont annoncé de manière transparente au plénum qu'ils se ralliaient à la proposition du Centre. Si vous rajoutez quelques voix éparses au PS et Gauche citoyenne ainsi qu'à l'UDC du Valais romand, cela a fait la différence.»
La grogne du Haut-Valais
Ce jeudi, la Constituante valaisanne s'est penchée sur d'autres points chauds de son projet de Constitution. Le plénum a aussi débattu de l'alinéa concernant la répartition des sièges entre les circonscriptions lors de l'élection du Grand Conseil. Le texte issu de la deuxième lecture proposait de les répartir selon la population suisse résidente. Mais la solution ne convenait ni à la gauche ni à la droite et surtout pas à la partie germanophone du canton, grande perdante, puisque sa démographie augmente moins vite que dans le reste du canton et qu'elle compte moins d'étrangers.
Au final, après une cascade de votes et une heure de débat, la Constituante a décidé par 66 voix contre 55 et 2 abstentions que cette répartition se ferait selon la population résidente avec une disposition transitoire valable lors des prochaines élections pour éviter qu'une circonscription ne perde plus d'un siège.
Le débat s'est par la suite envenimé, l'UDC haut-valaisanne parlant de déclaration de guerre des francophones alors que "nous sommes prêts à un compromis" avec ces garanties. "Prenez le Haut-Valais avec vous dans cette révision", a aussi plaidé le Centre haut-valaisan. "Cessez de parler d'une ligne rouge et prenez la main qu'on vous tend", a répliqué le Centre du Valais romand.
Les groupes romands, arguant que chaque personne devait avoir le même poids au sein d'un canton, a refusé la création de "super-citoyens", encore moins de "figer le nombre d'élus parlementaires par région" dans un texte fondateur. Au niveau fédéral, les minorités linguistiques ne disposent d'aucune garantie de sièges, ont-ils ajouté.
Droit de vote pour les étrangers
L'assemblée constituante a aussi accepté jeudi d'inscrire le droit de vote et d'éligibilité des étrangers au bénéfice d'une autorisation d'établissement (permis C) sur le plan communal dans son projet de Constitution. Elle a refusé de laisser le droit aux communes de décider si elles voulaient le faire ou non. Elle a aussi refusé d'ajouter des conditions à l'obtention de ce droit.
Plusieurs fois décrit comme "une ligne rouge" par l'UDC au cours des différentes lectures de ce projet de Constitution, ce sujet pourrait être soumis à la population, via des variantes. Divers groupes ont précisé qu'ils étaient ouverts à cette solution.
Par ailleurs, l'assemblée constituante s'est également prononcée pour que la nomination ou l'élection des membres du pouvoir judiciaire ne soit pas liée à des critères politiques, mais se fonde essentiellement sur leur formation juridique, leurs compétences et leur expérience.
En une journée, la Constituante a passé en revue une quarantaine d'amendements portant sur une dizaine d'articles, les plus discutés parmi les plus de 210 que compte le projet de Constitution. Elle devra encore discuter des variantes qu'elle souhaite soumettre à la population.
Le vote final sur le projet de Constitution est prévu dans le courant du deuxième trimestre 2023. Il se tiendra à bulletins secrets et à la majorité absolue des membres de la Constituante, soit 66 voix.