Le National veut durcir les exportations, mais avec des exceptions
Les conditions pour exporter des armes devraient être durcies, mais pas inscrites dans la Constitution. Comme le Conseil des Etats, le National devrait rejeter l'initiative "correctrice" au profit du contre-projet. Mais les exceptions inscrites dans celui-ci divisent.
La Chambre du peuple a entamé lundi l'examen de l'initiative populaire "contre les exportations d’armes dans des pays en proie à la guerre civile" et du contre-projet indirect du Conseil fédéral. Le débat se poursuivra mercredi, ainsi que les votes sur les deux textes.
L'initiative a été déposée en 2019 par une coalition réunissant des politiciens de la gauche, du Centre et des Vert'libéraux. Elle veut interdire les exportations de matériel de guerre vers les pays impliqués dans un conflit armé. Les pays violant les droits humains ou qui pourraient agir comme intermédiaire ne pourraient pas non plus acquérir d'armes.
Les critères d'autorisation des exportations seraient inscrits dans la Constitution. Le Conseil fédéral et le Parlement ne pourraient plus les modifier. Toute adaptation serait soumise à l'approbation du peuple et des cantons.
Les initiants veulent revenir sur des assouplissements décidés par le gouvernement ces dernières années. Depuis 2014 notamment, les ventes d'armes et de munitions à l'étranger ne sont interdites que lorsque le risque que le matériel soit utilisé pour de graves violations des droits humains existe.
Un renforcement est nécessaire, mais cette initiative va trop loin, a expliqué François Pointet (PVL/VD) au nom de la commission. Il n'est pas nécessaire d'ancrer dans la Constitution les conditions d'autorisation. Cette demande peut être réglée au niveau de la loi comme le propose le contre-projet.
Le Parlement pourra adapter les critères à tout moment, a précisé Jacqueline de Quattro (PLR/VD). La voie législative garantit la légitimité parlementaire, a complété Sidney Kamerzin (Centre/VS).
Pour Beat Flach (PVL/AG), membre du comité d'initiative, le texte introduit un "changement nécessaire". Des grenades de l'Etat islamique estampillées RUAG, des munitions suisses utilisées en Libye ou en Syrie: Baptiste Hurni (PS/NE) a multiplié les exemples pour affirmer le bien-fondé de l'initiative.
La Suisse, qui axe sa politique étrangère sur le droit international, sur la neutralité et sur la promotion de la paix ne doit pas se rendre complice de conflits armés et d'exactions sanglantes, a ajouté Nicolas Walder (Verts/GE). Ce principe doit servir de ligne rouge à toutes les politiques.
Le contre-projet prévoit une clause dérogatoire donnant au Conseil fédéral la compétence de s'écarter des critères d'autorisation dans des circonstances exceptionnelles. Cette clause, que le Conseil des Etats a supprimée, a été au centre des discussions.
Le PLR et une majorité du Centre ont défendu la proposition élaborée en commission: des exceptions seraient prévues pour des Etats démocratiques qui disposent d'un régime de contrôle des exportations comparable à celui de la Suisse. Le Conseil fédéral conserverait une certaine marge de manoeuvre et de souplesse, a avancé M. Kamerzin.
Cette solution satisfait les demandes des initiants, a affirmé Maja Riniker (PLR/AG). Il faut permettre des exceptions et éviter les restrictions excessives.
Pour les partisans de l'initiative, cette formulation n'est pas claire. Qu'est-ce qu'un pays démocratique, s'est demandé Priska Seiler Graf (PS/ZH). "La version de la commission donne encore plus de latitude au Conseil fédéral que la version du Conseil fédéral lui-même. C'est un comble", a déclaré Isabelle Chevalley (PVL/VD).
Les initiants soutiennent la solution du Conseil des Etats. Ils refuseront dès lors de retirer l'initiative si la proposition de la commission reste dans le contre-projet, a averti Mme Seiler-Graf.
Des arguments économiques ont encore été avancés. La Suisse doit pouvoir conserver une capacité industrielle adaptée à sa défense nationale. Plus de dix mille emplois sont en jeu, a prévenu Maja Riniker.
On perd déjà des marchés et des emplois, a souligné Jean-Luc Addor (UDC/VS). Des entreprises spécialisées dans la défense vont délocaliser et la Suisse verra partir des investissements de recherche et de développement dans des secteurs de pointe.
L'UDC ne veut toutefois ni de l'initiative ni du contre-projet. Inscrire dans la loi des principes qui figurent déjà dans l'ordonnance, c'est priver le gouvernement de flexibilité, a estimé M. Addor.
L'ordonnance ne suffit pas, a répondu Nicolas Walder. Il ne faut pas que les exportations d'armes fassent l'objet d'une multitude d'exceptions, selon lui.