"Le rallye, c’est la proximité" : Ari Vatanen
Que les passionnés de rallye ne s’emballent pas trop vite. Ari Vatanen, légende vivante du sport automobile, ne participera pas à la 64ème du RIV. Hasard du calendrier il était tout de même en Valais cette semaine. Nous l’avons rencontré pour une interview.
À 72 ans, Ari Vatanen est toujours autant passionné par les voitures. Il est toujours autant disponible et donc toujours autant sollicité. Établi en France la plupart du temps, en Finlande le reste de l’année, l’ancien champion du monde et multiple vainqueur du Dakar était de passage en Valais cette semaine. Un coup de pub pour le Groupe Urfer, qui en a fait son ambassadeur – la campagne sera lancée prochainement, une bonne opportunité pour nous d’interviewer ce pilote de légende.
Ari Vatanen, le RIV sera lancé cette fin de semaine mais ce n’est pas pour ça que vous êtes en Valais ?
Non, effectivement. Malheureusement je ne vais pas pouvoir prolonger mon séjour en Valais. C’est Claude Urfer qui m’a proposé d’essayer une voiture unique (ndlr : BMW 3.0 CSL produite en 50 exemplaires). J’ai eu beaucoup de plaisir à faire cette petite virée publicitaire sur les routes de la région. Je ne peux pas rester davantage mais j’espère revenir sur le Rallye du Chablais l’an prochain.
Ces routes valaisannes, on sait que vous les appréciez ?
C’est vrai. Chaque fois que je viens en Suisse, ça me plait beaucoup. Pas seulement pour les routes de montagne ou pour les paysages. J’aime aussi le fonctionnement de votre pays. Une fois, j’ai eu la chance de me retrouver dans un hélicoptère qui traitait les vignes. Ça dit beaucoup de choses sur la Suisse et de son rapport au travail bien fait. Ce sont des valeurs que j’apprécie.
La convivialité aussi ?
J’ai découvert une Suisse que je ne connaissais pas (rires). Il y a ce cliché qui dit que toutes les lumières sont éteintes après 21h00, que tout le monde dort et que les gens sont très réservés. En fait, ce n’est pas du tout le cas. J’ai passé des soirées magnifiques dans la région. J’ai toujours été bien accueilli. Une très bonne table, du très bon vin. Que demander de plus ?
Un Finlandais qui nous parle d’ouverture d’esprit, ça peut paraître paradoxal ?
C’est vrai (rires). Mais mois je viens de Carélie, dans l’est de la Finlande. Nous, les Caréliens, sommes très bavards avec tout le monde. Une chose est sûre, on peut toujours compter sur les Finlandais.
Ari Vatanen, on vous présente comme une star du sport automobile. Ça vous surprend qu’on fasse encore appel à vous pour jouer les ambassadeurs ?
Bonne question ! Mais oui, ça m’étonne. Mes victoires, mes échecs et mes bêtises sont loin derrière moi. Et pourtant, quand je me promène le monde francophone ou même en Angleterre, les gens sont toujours admiratifs. Ils me remercient de les avoir fait rêver et c’est le plus beau compliment qu’on puisse avoir. Je ne suis pas un héros. Qu’ai-je fait dans ma vie ? J’ai couru après mes rêves. Et peut-être que les gens ont vu en moi une certaine sincérité, une certaine humilité. Je n’étais pas un grand stratège. J’ai toujours envisagé chaque virage comme si c’était le dernier. Cela a créé un lien avec monsieur et madame Tout-le-monde. L’accueil qui m’est réservé me touche profondément.
Vous êtes toujours sur le devant de la scène. Quel regard est-ce que vous portez sur l’évolution du rallye et du sport auto en général sur ces 40 ou 50 dernières années ?
Je dirais d’abord que j’ai eu la chance d’être né si tôt. Il n’y a pas de bonne époque pour venir au monde. La vie est un grand cadeau et un grand mystère. Mais c’est vrai que dans ma jeunesse, nous jouissions d’une grande liberté. Le Dakar est un bon exemple. Nous avons pu traverser des pays parmi les plus pauvres du monde. Des expériences inoubliables et très riches humainement. Tombouctou (ndlr : ville du Mali) est restée gravée dans mon cœur. Je m’en servais dans mes discours même lorsque j’étais député européen. Tout ça pour dire que nous, les Européens, sommes des privilégiés mais que rien ne remplace le contact humain ni les échanges. Pour revenir à votre question, le rallye a beaucoup changé. Tout est beaucoup plus contrôlé, sécurisé. Ce qui est normal.
On a l’impression que le rallye reste très accessible contrairement à la Formule 1, fleuron technologique et médiatique ?
Absolument. Sur un talus à côté de la route, on retrouve toutes les classes sociales, tous les âges. On peut voir les pilotes de près. Le rallye, c’est la proximité, c’est comme le Tour de France. C’est un sport qui va au cœur des villages.
Chez les adeptes du sport automobile on sent une certaine nostalgie, le fameux "c’était mieux avant". Vous partagez ?
Il faut relativiser. On ne peut pas dire que c’était mieux avant, simplement que c’était différent. Il faut prendre de la hauteur et se dire que l’humanité progresse. La pauvreté diminue, la longévité augmente. Évidemment, dans mon sport et en ayant une vision plus égoïste, on peut se dire que c’était mieux avant. Parce qu’il y avait une forme de liberté qui n’existe plus. Mais, je le répète, les évolutions sont normales.
Vous avez évoqué les aspects sécuritaires. Que pensez-vous des notions d’écologie et de durabilité appliquées au sport automobile ?
C’est le sens naturel des choses et ça va dans le bon sens. Le progrès technologique nous amène à moins gaspiller. Faire plus avec moins. C’est ce qui anime l’humanité depuis toujours et encore plus depuis la révolution industrielle. Je ne crois ni au déclin ni à l’apocalypse. Si on parle des voitures, l’avenir sera peut-être électrique ou sera peut-être autre chose mais les ingénieurs trouveront toujours des solutions.
Vous serez toujours un défenseur du sport automobile ?
Évidemment. Parce qu’on parle d’émotions quand on touche au sport. On ne peut pas dire que quelqu’un a la chair de poule pour de mauvaises raisons. Chaque individu a droit à ses rêves et il faut pouvoir les alimenter.
Et est-ce que vous éprouvez autant de plaisir à rouler dans les nouveaux modèles que dans vos anciens bolides ?
C’est comme la musique. Peut-être que je n’arrive pas à jouer du piano ou du violon comme dans ma jeunesse mais le sentiment est toujours le même. Être au volant, ça me fait rajeunir. Ça me donne la sensation de maîtriser quelque chose.