Parfois critiqué, souvent incompris, Barthélémy Constantin se raconte
Il ne cherche ni à plaire ni à prouver quoi que ce soit. Pourtant, Barthélémy Constantin occupe une place prépondérante dans l’organisation du FC Sion. Le fils du président est le directeur sportif. Et surtout il aime son club, quoi qu’on puisse en penser. Interview.
Barthélémy Constantin a été nommé directeur sportif du FC Sion en décembre 2014, par son papa de président. Depuis, il est très observé et souvent critiqué. Avant le début du championnat de Super League, le dirigeant de 26 ans s’est confié à Rhône FM. Sans éluder un seul sujet.
Barthélémy Constantin, la restructuration du club est présentée comme une avancée majeure. Est-ce que c’est le FC Sion le plus organisé que vous ayez connu ?
Je ne sais pas. C’est difficile de répondre. Nous sommes en train de nous organiser sérieusement. Mais il y a eu de très bonnes organisations auparavant. Je rappelle que le club a gagné des trophées. Depuis 2003, nous avons eu de bons directeurs et de bons employés… Domenicangelo Massimo, Paolo Urfer, Freddy Chassot et d’autres. Aujourd’hui je dirais qu’on passe une étape supplémentaire par rapport au profil des gens en comparaison de ceux qui étaient là avant. Nous avons de la chance d’avoir Massimo Consentino qui a une énorme expérience. Il connait le monde du football du côté administratif, ce qui est très important. Gelson Fernandes complète cela avec son expérience de joueur. De plus avec lui nous avons une très bonne relation, comme des frères.
«J’ai remonté le moral de mon président et de mon papa à la fois. Il fallait qu’il comprenne qu’il pouvait compter sur son fils.» Barthélémy Constantin
A titre personnel, est-ce que vous avez beaucoup d’attentes par rapport à cette structure qui se met en place ?
J’ai toujours des attentes. Quand on essaie de faire des bases solides, on voit les choses différemment. C’est un projet qui me tenait à cœur depuis plus de 18 mois. L’essentiel c’est que tout le monde aille dans la même direction, qu’on arrive à être dans un esprit de famille. Nous devons faire les choses ensemble, c’est le principal message. Nous avons déjà vécu des choses très fortes avec Marco Walker et Amar Boumilat en fin de saison dernière. Il faut maintenant embarquer le président, Massimo, Gelson et le reste du staff dans ce projet pour le bien du club.
Barthélémy Constantin veut instaurer un esprit familial. De plus il considère Gelson Fernandes comme un frère. Nous lui avons donc demandé si c’était plus simple ou plus compliqué de travailler avec des gens qu’on connait très bien. Sa réponse.
Christian Constantin, votre père, a dit en substance que sans vous, il n’aurait plus d’intérêt pour le football. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
En tant que fils, c’est une fierté. Pour moi c’est comme une déclaration d’amour qu’il fait publiquement et ça fait chaud au cœur. Tout le monde sait que nous avons une relation très forte. Chaque fils du monde rêve que son papa dise quelque chose comme ça.
Est-ce qu’il y a un moment qui symbolise cette période où il a le moral à zéro et où vous lui faites remonter la pente ?
(… soupirs) On a vraiment vécu une saison compliquée. Ce n’était vraiment pas évident pour plusieurs raisons. Et à un moment donné, il n’y avait plus personne. Dans ces instants, tu te rends compte que, en dehors du football, tu ne peux compter que sur les gens avec lesquels tu as une relation spéciale. Il y a un moment qui me restera en mémoire à vie. Avant d’engager Marco Walker, nous nous sommes retrouvés un jour avec mon papa à la Porte d’Octodure. Il ne m’a pas dit ouvertement qu’il était au fond… mais j’ai senti que c’était un moment de détresse. C’était dur à vivre en tant que fils, mais j’ai réussi prendre mes responsabilités. Je me suis bien rendu compte que c’était une affaire de famille et de cœur. Il y a eu d’autres moments par le passé où j’en ai eu marre, mais pas là. Je me suis battu des années pour cela. J’ai redressé mon président et mon papa à la fois. Il fallait qu’il comprenne qu’il pouvait compter sur son fils.
«Quand mon papa dit qu’il est resté dans le foot grâce à moi, c’est comme une déclaration d’amour qu’il fait publiquement. Ça fait chaud au cœur.» Barthélémy Constantin
Vous parlez de responsabilité. Qu’est-ce qu’on peut vous imputer, à la fois dans ce qui a bien marché et dans ce qui n’a pas fonctionné ces dernières années ?
C’est un gros débat. Il y a des choses négatives et de choses positives. Cela fait depuis décembre 2014 que je suis directeur sportif. Certaines choses sont de ma responsabilité, d’autres pas. J’ai aussi beaucoup pris pour les autres. J’ai dû grandir, j’ai dû prendre de l’expérience. Il ne faut pas oublier que je n’ai que 26 ans. J’ai gagné une coupe, j’ai perdu une coupe. On a joué l’Europe et on a été relégable. Au début c’était tout beau, tout rose… Au fur et à mesure, j’ai commencé à comprendre beaucoup de choses. Très honnêtement ça prendrait trop de temps à tout expliquer.
«Si vraiment il n’était pas content de moi, il m’aurait dit d’aller faire autre chose.» Barthélémy Constantin
Christian Constantin est un personnage clivant. Vous-même, vous ne faites pas l’unanimité. Est-ce que cela vous touche ? Est-ce que vous aimeriez être davantage considéré ?
Ce n’a jamais été mon but de faire l’unanimité. C’est beaucoup plus important, ce que j’ai dit tout à l’heure (nldr: plus haut dans l’interview). Le fait que mon papa me fasse comprendre qu’il pourrait tout faire pour moi. Le fait aussi qu’il comprenne qu’il pouvait compter sur moi. Si les gens m’aiment, ils m’aiment. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave. Ceux qui veulent apprendre à me connaitre savent que je suis quelqu’un d’ouvert. Ce qui m’importe, c’est de rendre ma famille fière et heureuse.
S’il accorde peu d’importance à ce que pensent les gens, Barthélémy Constantin doit apprendre à gérer sa notoriété et les conséquences que cela peut avoir sur lui et son entourage. Il en parle dans cet extrait.
Quelle est selon vous votre plus grande compétence ?
Pour moi, ce qui est important, c’est d’amener des gens sur qui je peux compter. A un moment donné, je n’étais entouré d’aucune personne de confiance. Aucune. Quand j’ai fait revenir Amar, c’était un peu pour ça. Nous avons passé de grands moments ensemble et cela représente un peu ce que je veux faire. Pour aller chercher quelque chose ensemble, la base c’est l’unité et l’esprit de famille.
On a parlé du facteur « unanimité » tout à l’heure. Quid de la légitimité ? Est-ce que votre vécu et les centaines de matches auxquels vous avez assisté vous donnent cette légitimité ?
Qui peut se sentir légitime ? Je me suis beaucoup pris le bec mais la seule personne qui peut juger, c’est le patron, celui qui met l’argent. Le caractère de mon papa est bien connu. Si vraiment il n’était pas content de moi, il m’aurait dit d’aller faire autre chose et cela depuis bien longtemps.
Et des fois vous lui faites changer d’avis, ce qui est pas mal ?
Il faut se battre pour avoir de bonnes choses dans la vie. Ce qui m’importe, c’est de rendre fier les gens que j’aime et qui m’aiment. Pour le reste, ce qui est important c’est le résultat du club.
Parlons-en du club. Avec les nouvelles arrivées de Gelson Fernandes et de Massimo Consentino, est-ce que cela change quelque chose pour vous ? Au niveau de votre rôle ?
On va surtout enfin pouvoir s’organiser ! On communique beaucoup pour mettre les choses en place et pour se répartir le travail. Massimo va s’impliquer dans l’administratif et aussi un peu dans les aspects sportifs. Il pourra parfois être l’interlocuteur de la SFL ou de la ville de Sion par exemple et leur expliquer ce que l’on fait. Notre objectif c’est de faire grandir le FC Sion et de le faire redevenir populaire.
«Ce club, je l’aime. C’est une des choses les plus importantes que j’ai dans ma vie.» Barthélémy Constantin
Le mercato c’est vous ?
C’est moi, maintenant. Avant c’était géré différemment. J’ai pris un peu pour les autres. J’ai aussi fait de mauvais transferts, il faut dire ce qu’il en est. Mais à présent, il y aura plus de tranquillité à ce niveau-là. Les conditions sont désormais réunies pour que je puisse me consacrer uniquement au football sans avoir peur que quelqu’un puisse me planter. On sait qu’on est tous ensemble et qu’on va tous dans la même direction.
Et qu’est-ce qui vous plait dans votre rôle ?
Une nouvelle fois, c’est de créer l’esprit de famille et de développer ce club. Ce club, je l’aime. C’est une des choses les plus importantes que j’ai dans ma vie. Les intérêts du club passent avant mes intérêts personnels pour la simple et bonne raison que tout est lié. Je ne vais pas aller planter qui que ce soit dans le dos, encore moins mon papa, pour des histoires d’argent par exemple. Cela n’a aucun sens. Pour en revenir à mon rôle, la négociation est quelque chose de plaisant. Suivre des matches, dénicher des talents, développer les aménagements du stade, le recrutement, le scouting, tout me plait.
Les petits arrangements fiscaux ou financiers entre clubs, est-ce que ça existe ou est-ce que ça relève du fantasme ?
Il n’y a pas de ça chez nous. Le vrai problème, ce sont les managers. Il y en a plus que de joueurs. En ce moment, 30 à 50 personnes que je ne connais pas me contactent tous les jours. Ils ne connaissent pas le club ni son historique. Et ça, c’est compliqué. Mais je n’attends pas que les agents me contactent pour avoir des listes de joueurs ou pour savoir ce qui peut intéresser le FC Sion. Cela peut arriver qu’un agent me contacte avec une bonne affaire mais nous avons notre propre manière de fonctionner.
En prenant des exemples au hasard, est-ce que vous comprenez néanmoins que quand des joueurs d’Amérique du Sud ou du Japon débarquent, cela peut interpeller les suiveurs du FC Sion ? Les gens se posent des questions.
Au hasard, au hasard (rires). Je ne pense pas que c’est au hasard, vu que ces joueurs existent. En l’occurrence, un Sud-Américain est parti et le Japonais est une bonne surprise. Plus sérieusement, certaines choses ont été faites avant. Je précise que je n’étais pas d’accord avec cette manière de faire, ni avec certaines personnes qui travaillaient ici avant. Il y a des casseroles qu’il faut rectifier. On est aussi un peu dans cette période. Dorénavant, les gens seront mieux préparés à l’interne pour expliquer pourquoi et comment les joueurs arrivent au FC Sion. On sera mieux à même d’expliquer le processus pour que le public puisse comprendre le transfert d’un joueur « exotique ». On se professionnalise à tous les niveaux et la transparence en fait partie.