"Je me réveille chaque matin en ayant à l’esprit que je suis un privilégié" : Nico Hischier
Du talent, du travail et beaucoup d’humilité. Depuis 2017, le Haut-Valaisan Nico Hischier évolue en NHL. Il n’oublie pourtant pas ses racines et revient en Suisse dès que l’occasion se présente. Il était à Berne cet été et nous avons pu le rencontrer. Interview.

Nico Hischier, un mot d’abord sur le chemin parcouru depuis la draft NHL en 2017 ?
Ça fait un moment ! C’est une sacrée aventure. Un sacré voyage. J’ai 25 ans, j’en avais 18 à l’époque. J’essaie de me donner à fond, de réaliser aussi tout ce que j’ai vécu, tout ce que je suis en train de vivre. Ça passe vite, quand on y pense. C’est pour ça que j’essaie d’en profiter au maximum.
Vous êtes toujours en train de vivre votre rêve ?
Oui, bien sûr. Ça a toujours été mon rêve d’être un hockeyeur professionnel. C’est un honneur de pouvoir le faire, d’avoir la santé pour le faire. De faire ce que j’aime. Beaucoup d’autres auraient aimé être à ma place. Je me réveille chaque matin en ayant à l’esprit que je suis un privilégié. Je fais de mon mieux pour aider mon équipe à gagner des matches.
On vous présente comme une star du hockey. À quel point la pression est-elle grande ?
Elle est énorme. Ça commence tout de suite quand tu deviens un joueur professionnel. Et ça reste tout du long. En Europe comme outre-Atlantique. La pression est partout, pas que dans le hockey. Il s’agit de savoir la gérer. De se mettre soi-même en condition pour l’évacuer. Ce n’est pas toujours facile, quand on a des milliers de personnes qui scrutent ce que tu fais. Il faut en prendre le meilleur. La pression m’aide à donner le meilleur de moi-même dans chaque situation. C’est comme ça que je peux aller me coucher avec un bon sentiment. Sans être déçu de moi-même.
"Ce n’est pas toujours facile", selon vos propos. Quels ont été les moments les plus compliqués de votre carrière ?
La période la plus difficile a été sans doute la saison marquée sous le signe du Covid. En raison aussi des blessures qui m’ont touché. J’ai beaucoup appris de cette période. Il y avait le virus. J’étais blessé, je m’entraînais dans mon coin. Heureusement, ma maman a pu me rejoindre, même en temps de pandémie, pour être à mes côtés pendant l’opération. J’ai réalisé à ce moment, que la santé était l’aspect le plus important. Ces blessures m’ont touché à l’époque, mais elles ont aussi sonné comme un réveil intérieur. J’ai pu mettre le curseur sur ce qui compte et dans le sport c’est la santé.
Comment vous gérer la solitude et le fait d’être éloigné de vos proches ?
Ça non plus, ce n’est pas facile. J’aime la Suisse. J’aime être ici avec ma famille et mes amis. C’est très important, encore plus pendant l’été, d’être avec les gens qui comptent, pour recharger mes batteries. Quand je retourne aux Etats-Unis, ma vie tourne quasiment autour du hockey. Enfin, seulement autour du hockey. On joue trois à quatre matches par semaine, on voyage beaucoup. Quand mes amis ou ma famille viennent me trouver, cela me donne un bon boost. Pour résumer, j’apprécie les deux situations : ma vie là-bas mais aussi le fait de pouvoir rentrer, recharger mes batteries et retourner en Amérique pour donner le maximum dans le hockey.
À quoi ressemblent vos journées ? Vos semaines ?
Comme je l’ai dit. On joue trois à quatre fois par semaine. Un jour de match à domicile, on réalise un petit warm-up le matin. On passe ensuite à l’analyse, en fonction de l’adversaire. Le repas se fait sur place à la patinoire. Ensuite, je rentre à la maison pour me reposer. Si on joue à 19h00, je reprends le chemin de la patinoire vers 15h30 pour me préparer. C’est un peu la routine. Parfois, après les matches on voyage directement d’une ville à une autre. Arrivée à l’hôtel, repos, préparation pour le match suivant. En gros, on se prépare, on s’entraîne, on joue, on récupère et on voyage de nouveau.
Qui sont vos amis et comment trouvez-vous l’équilibre entre le hockey et tout le reste ?
Dans l’équipe, je partage beaucoup de choses avec Jonas Siegenthaler et Timo Meier. Des gars que je connaissais déjà depuis mon plus jeune âge. C’est cool de pouvoir jouer avec eux. J’ai également la chance d’avoir pu connaitre des joueurs d’autres pays, de faire de nouvelles rencontres. Des Américains, des Canadiens, des Suédois, des Tchèques. C’est très enrichissant d’avoir toutes ces cultures et de pouvoir se retrouver autour d’une passion commune.
Est-ce que la vie aux Etats-Unis vous a transformé ? Qu’est-ce qu’il y a d’américain en vous ?
L’ouverture d’esprit. Être ouvert aux autres, à faire de nouvelles rencontres. On n’a pas besoin d’être ami avec tout le monde mais c’est important d’écouter les autres, de prendre en compte leurs opinions. Néanmoins, je reste très suisse, je me sens très suisse.
C’est-à-dire ?
Je ne sais pas. Je suis encore très proche de ma famille, de mes amis. J’essaie de ne pas trop attirer l’attention. Je me contente de peu de choses, des choses simples. Un bon souper, une raclette de temps en temps, un bon verre de vin. Ce sont des moments que j’apprécie.
Parlons de votre club, les New Jersey Devils. Un club qui a passablement évolué depuis votre arrivée ?
C’est clair. C’est très différent par rapport à ce que j’ai connu à mes débuts. Nous étions parmi les plus jeunes de l’équipe avec Jasper Brett et Pavel Zacha. Les autres coéquipiers étaient tous plus ou moins dans la trentaine. Tout était nouveau pour moi. Mais c’était bien. J’ai pu apprendre énormément au contact de tous les joueurs expérimentés. Ils m’ont fait comprendre des tas de choses. Qu’est-ce que ça implique d’être un Devil, comment soigner son corps, c’était très varié. Au milieu de mon périple, l’équipe s’est rajeunie et j’ai dû prendre de plus en plus de responsabilités. Aujourd’hui, il y a évidemment des plus jeunes que moi. Ça a bien changé en 7 ans et c’est normal. De mon côté, je m’applique pour présenter chaque jour la meilleure version de moi-même.
Vous êtes perçu comme un leader. Vous êtes un leader. Est-ce que c’était naturel pour vous ?
Absolument. Sur la glace, c’est clair. J’ai toujours voulu bien faire les choses. J’ai toujours voulu gagner. Un vrai leader doit avoir cette mentalité, en mettant son égo de côté pour le bien de l’équipe. En dehors de la glace, je ne suis pas le plus visible ou le plus bruyant mais j’apprécie aussi les moments de camaraderie, les blagues et les sorties. C’est peut-être dans ces aspects que j’ai le plus à apprendre. Mais je continue d’apprendre. Je n’ai que 25 ans. Il y a encore des choses à explorer.
On imagine que la communication est essentielle ?
C’est très important. On ne sait jamais comment les gens réagissent, de quoi ils ont besoin. Il faut trouver un bon équilibre entre ce que l’on donne, ce que l’on demande et ce que l’on reçoit. Pour être un leader, il faut de l’empathie, de la compréhension mais aussi de la fermeté dans l’exigence. Certains aspects étaient plus compliqués pour moi mais j’essaie de trouver la bonne balance.
Est-ce que vous vous sentez plus fort en tant que joueur. Et quels sont les aspects que vous souhaitez améliorer ?
Je me sens meilleur qu’à 18 ans, c’est clair. J’espère être un meilleur joueur ! Sur la glace, j’essaie de devenir encore plus intelligent dans mon jeu. Et en dehors, je m’efforce d’améliorer mon hygiène de vie. De bien gérer mes congés, ma récupération. C’est important pour durer. Pour être performant avec l’équipe.

Quelles sont vos ambitions pour la prochaine saison, à titre collectif et individuel ?
Je veux disputer à nouveau les play-off. C’est le plus important pour moi. La saison sera longue. 82 matches. Il faudra les prendre les uns après les autres. Mais je veux y retourner.
Ouvrons le chapitre de l’équipe de Suisse. Que gardez-vous du dernier championnat du monde ?
De très beaux souvenirs, sans aucun doute. Même si, au fond de moi, enfouie à quelque part, réside une part de frustration à propos du dernier match. Mais j’essaie d’embarquer ce bon sentiment de Prague 2024 avec moi. C’était vraiment magnifique. C’était gratifiant de pouvoir jouer avec une telle équipe. On ne s’en rend pas compte tout de suite mais on a vécu quelque chose d’unique avec des bons gars. Il n’y avait pas de tête qui dépasse. Tout le monde tirait à la même corde, y compris dans le staff. Un très bon moment.
Le sentiment de représenter la Suisse est-il encore plus fort quand on fait une carrière si loin comme vous ?
C’est clair. Ça parle allemand dans le vestiaire. Je retrouve des amis que j’avais côtoyé en juniors. Le hockey reste un petit monde, un petit milieu et pas qu’en Suisse. Et c’est toujours appréciable de se retrouver avec des gens qu’on connait pour partager une telle expérience dans un championnat du monde.
Est-ce que vous êtes ambitieux, optimiste pour les prochains grands rendez-vous, JO 2026 et Mondial 2026 ?
Bien sûr. Nous avons prouvé ces dernières années que nous avions une très belle équipe de Suisse. On sait comment ça marche dans le sport. Chaque pièce est importante, chaque détail compte pour arriver au sommet. Mais il faut croire en nos chances. Et nous avons un bon groupe, comme je l’ai dit. Je me réjouis des prochains tournois. Les Jeux Olympiques représentent assurément un rêve pour moi, qui n’y suis jamais allé. C’est différent d’un championnat du monde mais on aura la même ambition. On ne sait jamais dans le sport.
Votre saison est tellement longue. Vous pourriez faire l’impasse sur les sélections en équipe de Suisse. Pourquoi est-ce si important ?
Pour les bons moments, ceux qui restent. J’ai grandi en regardant la Suisse. Et de pouvoir la représenter, cela signifie vraiment quelque chose de singulier à mes yeux. C’est toujours un plaisir de porter ce maillot, de voir les fans de l’équipe nationale. Cela me donne beaucoup de joie. Cela n’est pas encore arrivé, mais la seule raison qui me ferait renoncer serait une indisponibilité physique ou de la fatigue mentale. Si je me sens apte, j’y vais. Si ce n’est pas le cas, il s’agit d’être honnête et de renoncer, car ce ne serait ni bon pour moi, ni pour l’équipe.
Certains experts affirment que le sélectionneur Patrick Fischer joue un grand rôle dans la venue des joueurs de NHL en équipe nationale. Quelle est votre relation avec lui ?
J’ai une très bonne relation avec lui. Il est franc, honnête. Il a eu une carrière de joueur et il se revoit un peu en nous. Franchement, il est très bon dans l’aspect relationnel et dans la communication. Il sait nous motiver. Après, comme je l’ai dit, pour la plupart des joueurs et pour moi, c’est la santé mentale et physique qui est déterminante. Si on est aptes, il n’y a aucune raison de ne pas jouer avec l’équipe nationale. Parce qu’on aime ça !