Violations du cessez-le-feu dénoncées
Bakou et Erevan dénoncent des violations du cessez-le-feu
L'Arménie et l'Azerbaïdjan s'accusaient mutuellement samedi de violations du cessez-le-feu censé être entré en vigueur à midi heure locale (10h00 heure suisse), négocié avec Moscou après près de deux semaines de combats pour la région séparatiste du Nagorny Karabakh.
L'accord semble toutefois être relativement respecté, la capitale de la région de Stepanakert étant plus calme après des jours de combats intenses. Selon un journaliste de l'AFP sur place, les bombardements ont cessé et les sirènes avertissant d'attaques imminentes se sont tues mais les rues restaient désertes, à l'exception de quelques habitants sortant se ravitailler.
Les chefs de la diplomatie arménienne et azerbaïdjanaise ont convenu, avec la médiation russe, d'un cessez-le-feu après des négociations de plus de dix heures qui se sont terminées à l'aube samedi à Moscou. Ce cessez-le-feu humanitaire doit permettre d'échanger des prisonniers de guerre et les corps de victimes.
Le Nagorny Karabakh, un territoire majoritairement peuplé d'Arméniens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan après une guerre qui a fait 30'000 morts dans les années 1990. Bakou accuse depuis Erevan d'occuper son territoire, les accès de violence étant réguliers.
Les combats qui opposent depuis le 27 septembre les troupes du Nagorny Karabakh, soutenues par Erevan, et les forces azerbaïdjanaises sont les plus meurtriers avec plus de 450 morts confirmés, dont une cinquantaine de civils. Mais le bilan réel pourrait être beaucoup plus lourd.
Immédiatement après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le ministère arménien de la Défense a accusé les forces azerbaïdjanaises d'avoir "lancé une attaque à 12H05".
"L'Arménie viole de manière flagrante le cessez-le-feu", a répliqué l'armée azerbaïdjanaise. Les deux parties se sont également accusées mutuellement d'attaques juste avant l'entrée en vigueur de l'accord.
Stepanakert, régulièrement bombardée ces derniers jours, l'a encore été samedi matin mais dans l'après midi la situation était plus calme, hormis quelques explosions au loin. Peu croyaient néanmoins aux chances d'une trêve.
"On connaît les Azéris, on ne peut pas leur faire confiance. Ils peuvent retourner leur veste en un clin d'oeil. Ce cessez-le-feu ne durera pas. C'est un stratagème pour gagner du temps", estime Livon, un des rares taxis circulant dans la capitale séparatiste. "Pourtant les deux côtés ont besoin d'un répit", affirme l'homme.
"J'ai vécu près de vingt ans en Azerbaïdjan, ces gens nous haïssent. Nous ne croyons pas à un cessez-le-feu, ils veulent juste gagner du temps", renchérit Vladimir Barseghian, 64 ans, retraité et volontaire mobilisé dans un atelier d'uniformes.
Beaucoup en Azerbaïdjan se disent même opposés à cette trêve. A Bakou, Sitara Mamedova, une étudiante de vingt ans, est "déçue": "Non au cessez-le-feu! L'ennemi doit quitter nos terres ou être exterminé sur nos terres". A Barda, à 40 km du front, Mourat Assadov est d'accord: "Nous devons continuer la guerre et reprendre nos terres".
Selon un haut responsable azerbaïdjanais, le calme n'était que "temporaire": "c'est un cessez-le-feu humanitaire pour échanger les corps et les prisonniers, ce n'est pas un (véritable) cessez-le-feu", a-t-il indiqué, affirmant que Bakou n'avait "pas l'intention de reculer" dans ses efforts pour reprendre le contrôle de la région.
Au moment de l'annonce de la trêve, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a toutefois affirmé que les deux camps s'étaient engagés "à des négociations substantielles pour parvenir rapidement à un règlement pacifique" du conflit, avec la médiation des trois co-présidents (France, Russie, Etats-Unis) du groupe de Minsk de l'OSCE.
Ces négociations devront "reprendre sans préconditions", a insisté la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès von der Mühll.
Samedi, Vladimir Poutine s'est entretenu au téléphone avec le président iranien Hassan Rouhani des efforts de médiation russes, selon le Kremlin. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a lui salué le cessez-le-feu et s'est dit prêt à faciliter les échanges de prisonniers et des corps.
Le cessez-le-feu est "un premier pas important mais ne remplacera pas une solution permanente", a de son côté indiqué la diplomatie turque, premier soutien de Bakou.
Selon elle, l'Azerbaïdjan a donné "la dernière chance à l'Arménie de se retirer des territoires qu'elle occupe" et "a montré à l'Arménie et au monde qu'il peut reprendre ses terres".
La crainte est de voir ce conflit s'internationaliser dans une région où Russes, Turcs, Iraniens et Occidentaux ont des intérêts. D'autant qu'Ankara encourage Bakou à l'offensive et que Moscou est lié par un traité militaire à Erevan.
La Turquie est accusée de participer activement aux hostilités avec l'Azerbaïdjan, ce qu'elle nie. De nombreux rapports ont fait état de combattants pro-turcs de Syrie envoyés se battre.