Macron rend hommage au comédien Michel Bouquet
Un monstre sacré du théâtre salué par Emmanuel Macron, les larmes de Muriel Robin: un hommage national aux Invalides a été rendu mercredi au comédien Michel Bouquet, décédé mi-avril à l'âge de 96 ans.
"Il a brûlé les planches et crevé l'écran 70 années durant", a affirmé durant l'éloge funèbre le président de la République, tout juste réélu, et quelques heures après avoir effectué sa première sortie publique depuis dimanche à Cergy (Val-d'Oise).
"Il a régné sur le théâtre en monstre sacré (...) de nos monuments littéraires, il révélait des aspects insoupçonnés, ouvrait des brèches nouvelles", a encore souligné le chef de l'Etat qui était accompagné pour la cérémonie de son épouse Brigitte. En compagnie d'une dizaine d'élèves du Conservatoire national supérieur d'art dramatique où Michel Bouquet a été professeur, il a déposé des fleurs blanches au pied d'un portrait de l'acteur.
Contrairement aux récents hommages nationaux rendus à Jean-Paul Belmondo (2021) ou Charles Aznavour (2018), le cercueil n'était pas présent, M. Bouquet ayant déjà été inhumé le 15 avril dans la plus stricte intimité dans le village natal de son épouse, la comédienne Juliette Carré, dans l'Yonne.
A la cérémonie, l'actrice était entourée d'autres membres de la famille et de noms de la scène et du cinéma français, notamment les comédiens Michel Boujenah, Catherine Frot, Fabrice Luchini, Pierre Arditi et Muriel Robin qui fut l'élève de Michel Bouquet au Conservatoire.
C'est elle qui a livré le discours le plus émouvant, se rappelant comment Michel Bouquet l'avait sauvée à un moment où elle voulait "tout arrêter". "J'avais 25 ans. Vous m'avez rattrapée au vol avec quelques mots qui m'ont bouleversée: 'je suis ton père de théâtre' (...) Monsieur Bouquet, je vous le dis sans emphase: vous m'avez sans doute empêchée de mourir et plus encore donné à vivre", a-t-elle lancé.
"Votre tendresse teintée de pudeur ne me quittera jamais. Le roi se meurt. Pas vous, pas toi, surtout pas toi", a-t-elle ajouté, la voix étranglée. "Quand tu jouais, Michel, tu imposais, et ce qui est très rare, quelque chose qui est de l'ordre de l'incontestable (...) personne ne pouvait te remplacer", a déclaré M. Luchini.
"Michel tu es le théâtre et le théâtre ne meurt jamais", a pour sa part affirmé Pierre Arditi. Inoubliable dans "Le roi se meurt" d'Ionesco - qu'il a joué pas moins de 800 fois - et dans "L'Avare" de Molière, Michel Bouquet s'est éteint le 13 avril.
Il avait aussi marqué le cinéma en incarnant un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans "Le Promeneur du Champ-de-Mars", de Robert Guédiguian (2005). Ce rôle lui a valu le César du meilleur acteur, après celui reçu quelques années auparavant pour le film d'Anne Fontaine "Comment j'ai tué mon père" (2002).
A l'écran, il aura aussi incarné des personnages secrets dans les films de Claude Chabrol ("La femme infidèle" en 1969), joué sous la direction de François Truffaut ("La mariée était en noir" en 1967) et été un magistral Javert, pourchassant Jean Valjean dans "Les Misérables" de Robert Hossein (1982).
Mais c'est pour le théâtre que ce géant de la scène affichait sa préférence, faisant connaître en France l'oeuvre de Harold Pinter et se mettant au service de grands textes classiques (Molière, Diderot ou Strindberg) et contemporains (Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Albert Camus ou Thomas Bernhard).
Né le 6 novembre 1925 à Paris, fils d'un officier devenu prisonnier de guerre, Michel Bouquet devait son goût du spectacle à sa mère qui l'emmenait régulièrement à l'Opéra Comique. "A chaque fois que le rideau se levait, il n'y avait plus l'horreur de la guerre, il n'y avait plus les Allemands autour (...), le monde irréel dépassait de très loin le monde réel. Ça a été le meilleur enseignement de ma vie", avait-il raconté à l'AFP en 2019.