Les talibans prennent Mazar-i-Sharif
Les talibans se sont emparés samedi soir de Mazar-i-Sharif, dernière grande ville du nord de l'Afghanistan encore contrôlée par le gouvernement. Ils ont ce faisant encore accru encore leur emprise sur le pays.
Plus tôt, le président afghan Ashraf Ghani avait promis de poursuivre le combat contre les insurgés qui continuent à se rapprocher de la capitale Kaboul, presque encerclée et où les habitants ne cachent pas leur angoisse de l'avenir.
Les talibans "paradent sur leurs véhicules et leurs motos, tirant en l'air pour célébrer" la prise de la ville, a raconté samedi soir un habitant de Mazar-i-Sharif, Atiqullah Ghayor, qui vit près de la célèbre mosquée bleue.
Il a précisé que les talibans étaient entrés "sans vraiment rencontrer de résistance" dans la quatrième ville la plus peuplée du pays (500'000 habitants), après le retrait des forces afghanes.
D'autres habitants ont fait des récits similaires et les talibans ont revendiqué la prise de la ville, capitale de la province de Balkh et carrefour commercial, dont les faubourgs étaient encore le théâtre d'intenses combats samedi matin.
"Les combattants (talibans) se sont emparés de Mazar-i-Sharif. Tous les bâtiments officiels (...) sont sous leur contrôle", ont affirmé les talibans dans un communiqué.
Le maréchal Abdul Rashid Dostom, ancien vice-président afghan, et Atta Mohammad Nur, ex-gouverneur de Balkh, qui avaient pris la tête de forces locales de résistance aux talibans à Mazar-i-Sharif, ont trouvé refuge en Ouzbékistan voisin, selon un proche du second, précisant que leurs forces s'étaient elles retirées à une soixantaine de km de la ville.
"La remobilisation de nos forces de sécurité et de défense est notre priorité numéro un et d'importantes mesures sont prises à cet effet", avait assuré à la mi-journée le président Ghani dans une adresse télévisée.
Il a précisé avoir entamé des "consultations" au sein du gouvernement, avec des responsables politiques et les partenaires internationaux, pour trouver "une solution politique dans laquelle la paix et la stabilité" seront préservées. Dans la soirée, le palais présidentiel a précisé qu'"une délégation sera prochainement constituée par le gouvernement et prête à négocier".
La situation militaire est critique pour le pouvoir en place. En à peine plus d'une semaine, les talibans ont pris le contrôle de presque tout le nord, l'ouest et le sud de l'Afghanistan et sont arrivés aux portes de Kaboul.
Ils ne sont plus qu'à 50 km de la capitale et ne montrent aucun signe de vouloir ralentir leur marche. Samedi, ils avaient déjà pris la province de Kunar, dans l'Est, et pourraient bientôt approcher de Kaboul par le nord, le sud et l'est.
Outre Kaboul, Jalalabad, la grande ville de l'est de 280'000 habitants, est la seule ville majeure encore contrôlée par le gouvernement.
Au sein des habitants de Kaboul et les dizaines de milliers de personnes qui ont fui leur foyer ces dernières semaines pour se réfugier dans la capitale, la peur prédomine.
"Je pleure jour et nuit quand je vois que les talibans forcent des jeunes filles à épouser leurs combattants", a confié Muzhda, 35 ans, une femme célibataire arrivée avec ses deux soeurs, de la province de Parwan, un peu plus au nord.
Beaucoup d'Afghans - les femmes en particulier -, habitués à la liberté acquises ces 20 dernières années, craignent un retour au pouvoir des talibans.
Lorsqu'ils dirigeaient le pays, entre 1996 et 2001, avant d'être chassés il y a 20 ans par une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, les talibans avaient imposé leur version ultra-rigoriste de la loi islamique.
Un ballet d'hélicoptères a survolé samedi Kaboul, entre l'aéroport et l'ambassade américaine. Un premier contingent de Marines est arrivé pour sécuriser les évacuations du personnel diplomatique, ainsi que d'Afghans ayant travaillé pour les Etats-Unis et craignant des représailles des talibans.
Les Etats-Unis entendent évacuer des "milliers de personnes par jour" et pour cela Joe Biden a annoncé que 5000 soldats seraient déployés à l'aéroport de Kaboul, a précisé vendredi son porte-parole, John Kirby.
Menaçant les talibans de réponse rapide et forte en cas d'attaques contre les intérêts américains, le président américain a défendu sa décision de retirer les forces américaines d'Afghanistan et promis de ne pas "léguer" cette guerre à un autre président américain.
Londres a parallèlement annoncé le redéploiement de 600 militaires pour aider les ressortissants britanniques à partir.