Investiture en catimini pour Loukachenko
Face à la contestation, investiture en catimini pour Loukachenko
Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, confronté à un mouvement de contestation post-électoral inédit, a prêté serment mercredi en catimini pour un sixième mandat. A Minsk, des manifestants ont été dispersés par la police.
Des Etats européens ont dénoncé l'obstination de M. Loukachenko. Berlin a déclaré "ne pas le reconnaître", faute de "légitimité démocratique".
Fait exceptionnel, la cérémonie d'investiture n'a été annoncée par l'agence de presse d'Etat Belta puis la présidence qu'une fois achevée.
Dans la matinée, l'opposition avait spéculé sur une investiture surprise: le cortège présidentiel a défilé dans la rue à toute vitesse, l'artère principale de Minsk a été fermée au public et les forces de l'ordre déployées en nombre autour de la présidence.
Pour les opposants et médias indépendants, cette cérémonie, qui devait avoir lieu légalement avant le 9 octobre, a été organisée en catimini de crainte d'une nouvelle grande manifestation.
Il y a toutefois eu des protestations dans la rue. La police bélarusse a fait usage mercredi soir de canons à eau contre des manifestants réunis dans le centre de Minsk.
Selon des correspondants de l'AFP, les forces de l'ordre ont dispersé plusieurs milliers de personnes qui s'étaient rassemblées sur l'avenue des Vainqueurs, dans le centre de la capitale bélarusse, et ont procédé à des dizaines d'interpellations.
Des policiers antiémeutes encagoulés ont arrêté des manifestants et les ont conduits dans des fourgons pénitentiaires. La foule s'était notamment massée devant une stèle à la mémoire des morts de la Deuxième guerre mondiale.
De nombreux protestataires portaient de fausses couronnes en carton sur la tête, dans une allusion à la prestation de serment du président Loukachenko.
"Nous ne t'avons pas choisi !", "Tu n'a pas pris tes fonctions, tu es juste devenu complètement sénile !", pouvait-on lire sur des affiches portées par des protestataires.
"Cette prétendue investiture est évidemment une farce", a dénoncé Svetlana Tikhanovskaïa, principale rivale de M. Loukachenko, dans un communiqué publié sur la messagerie Telegram.
Cette novice en politique, désormais exilée en Lituanie, a une nouvelle fois revendiqué sa victoire à la présidentielle d'août.
Le chef de la diplomatie lituanienne, Linas Linkevicius a lui raillé "des élections frauduleuses, une investiture frauduleuse".
Selon l'Ukraine, les ambassadeurs n'ont pas été invités, comme c'est le cas d'ordinaire. Selon la présidence bélarusse, 700 personnes haut placées étaient dans l'assistance.
Dans son discours, M. Loukachenko a affirmé que son pays avait résisté à une "révolution de couleur", surnom donné en ex-URSS aux mouvements populaires ayant chassé du pouvoir des régimes autoritaire depuis le début des années 2000 en Ukraine, en Géorgie ou encore au Kirghizstan. Pour la Russie et M. Loukachenko, il s'agissait de révoltes fomentées par les Occidentaux.
"Notre Etat était face à un défi sans précédent (...) mais nous sommes parmi les seuls, sinon les seuls, chez qui la 'révolution de couleur' n'a pas fonctionné. C'est le choix des Bélarusses", a-t-il assuré.
M. Loukachenko est confronté depuis la présidentielle du 9 août à une contestation inédite, des dizaines de milliers de personnes descendant dans la rue chaque dimanche à Minsk, malgré la répression policière, pour dénoncer sa réélection jugée frauduleuse. Selon lui, les Occidentaux voulaient le renverser pour se servir du Bélarus comme tremplin pour une guerre contre la Russie.
Les premiers jours, les manifestations avaient été réprimées très violemment et des milliers de personnes arrêtées. Les figures de l'opposition ont été soit incarcérées, soit contraintes à l'exil.
La Russie a assuré M. Loukachenko de son soutien, bien que dans les semaines précédant la présidentielle il avait accusé Moscou de chercher à le chasser du pouvoir pour pouvoir vassaliser son pays.
L'UE menace elle de sanctionner Minsk, mais n'a pas décidé de mesures, en raison de divergences internes.