Au Soudan, les combats ont tué au moins 56 civils en 24 heures
Des combats opposaient dimanche pour la deuxième journée consécutive l'armée soudanaise à une puissante force paramilitaire, sur fond de lutte de pouvoir entre les deux généraux aux commandes depuis le putsch de 2021, faisant au moins 56 morts civils en 24 heures.
En outre, des "dizaines" de combattants ont été fauchés par les balles, roquettes et autres projectiles tirés depuis des chars ou des avions depuis samedi matin, rapporte un réseau de médecins prodémocratie, qui recense plus de 600 blessés.
Combats de rue et blindés en travers des routes empêchent tout déplacement dans la capitale Khartoum où déambulent des hommes armés en treillis croisant de rares civils, portant quelques affaires, à la recherche d'un abri.
Partout, des colonnes de fumée s'élèvent depuis samedi du centre-ville où se trouvent les principales institutions de l'Etat.
"C'est très inquiétant, on dirait que ça ne va pas se calmer rapidement", s'inquiète Ahmed Seif qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l'est de Khartoum.
Il redoute que son immeuble ait été touché par des tirs, comme beaucoup d'autres, mais dit avoir "peur de sortir vérifier", par crainte des balles perdues et des hommes en treillis qui quadrillent les rues.
A Khartoum, la nuit a été longue. "Les explosions et les tirs n'ont pas cessé", raconte à l'AFP Ahmed Hamid, dans la banlieue nord de Khartoum.
Selon des témoins, des combats à l'arme lourde opposent, dans la banlieue nord de Khartoum ainsi que dans le sud de la capitale, l'armée aux Forces de soutien rapide (FSR, composées de milliers d'ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs officiels des troupes régulières).
Le conflit couvait depuis des semaines, empêchant tout règlement politique dans un pays qui tente depuis la révolte populaire qui renversa Omar el-Béchir en 2019 d'organiser ses premières élections libres après 30 ans de dictature.
Lors du putsch ayant mis fin en octobre 2021 à la transition démocratique, le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane et le patron des FSR, Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", étaient apparus ensemble, faisant front commun pour évincer les civils du pouvoir.
Mais la rivalité entre les deux généraux, latente depuis des semaines, a explosé samedi à Khartoum qui s'est réveillée au son des explosions et des combats.
Fusils, artillerie et avions de combat ont été utilisés dans la capitale et plusieurs villes de ce pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus pauvres au monde et déchiré par des décennies de guerre, qui s'enfonce dans le chaos.
La communauté internationale multiplie les appels au cessez-le-feu. Le dernier en date est venu de Pékin alors que le pape François invitait à "prier pour que les armes soient abandonnées". La Ligue arabe et l'Union africaine, où siègent de grands parrains de la politique soudanaise, devaient se réunir en urgence.
Dimanche, de nouveau, les bombardements ont résonné dans les rues désertes de Khartoum envahies par une forte odeur de poudre.
Les militaires avaient prévenu sur Facebook: "L'armée de l'air va mener des opérations pour en finir avec les milices rebelles du Soutien rapide, les civils doivent rester chez eux".
Des témoins ont également fait état de tirs d'artillerie à Kassala, dans l'est du pays.
Impossible en l'état de savoir quelle force tient quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l'aéroport en quelques heures samedi mais l'armée a démenti. Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L'armée a démenti et assure surtout tenir le QG de son état-major, l'un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.
Quant à la télévision, les deux parties assurent aussi l'avoir prise. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu'à l'antenne - comme lors du putsch - seuls des chants patriotiques sont diffusés sans aucun commentaire.
Car la guerre ouverte entre les généraux est aussi médiatique: samedi, Hemedti a enchaîné les interviews aux chaînes de télévision du Golfe, dont plusieurs Etats sont ses alliés, multipliant les injures contre son rival, le général Burhane, qui, lui, n'est jusqu'ici pas apparu.
Hemedti n'a cessé de réclamer le départ de "Burhane le criminel", alors que l'armée, elle, publiait sur Facebook un "avis de recherche" contre Hemedti, "criminel en fuite".
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé les deux hommes pour réclamer "un arrêt immédiat de la violence". Il a également exhorté le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, grand voisin influent, à agir alors que depuis samedi Le Caire s'inquiète d'une vidéo montrant plusieurs de ses soldats apparemment aux mains d'hommes des FSR.