Alvaro Lopez: «Le caractère valaisan n’existe plus au FC Sion»
Ancien joueur emblématique du FC Sion, Alvaro Lopez dresse un constat sans appel de la situation critique du club valaisan. Quatre jours après leur élimination en Coupe de Suisse, le contesté Mario Balotelli et ses coéquipiers retrouvent Lugano dimanche à Tourbillon (16h30).
Dans le livre d’or du FC Sion, le nom d’Alvaro Lopez figure incontestablement dans le chapitre des personnages emblématiques. De ceux qui ont écrit les lettres de noblesse d’un club valaisan qui peine désormais (et depuis trop longtemps) à faire honneur à son glorieux passé. En deux passages (1973-1977 puis 1981-1992), quinze saisons et plus de 440 apparitions sous les couleurs sédunoises, l’ancien milieu défensif a remporté quatre Coupes de Suisse et un titre de champion, le tout premier de l’histoire du club en 1992.
«Bien sûr que j’ai mal quand je vois ce qu’est devenu le FC Sion.» Alvaro Lopez
À bientôt 69 ans – il les fêtera à la fin du mois – «Ciccio» reste intimement attaché à ce club, son club, qui lui a fait vivre tant d’émotions durant près de deux décennies passées sur les pelouses…et qui le fait aujourd’hui souffrir. «Bien sûr que j’ai mal quand je vois ce qu’est devenu le FC Sion», avoue le plus Valaisan des Espagnols. «Mercredi, j’ai vu un groupe qui n’était pas solidaire et qui n’avait pas de caractère. Lugano attaquait et défendait ensemble. Chez nous, il y a toujours vingt mètres d’espace entre les lignes. C’est trop facile pour les adversaires de contre-attaquer.»
Des «frères» dans un «poulailler»
Pour appuyer son impression d’un manque de solidarité au sein de l’effectif actuel, Alvaro Lopez ose la comparaison des époques. «Nous quand on jouait, c’était un poulailler sur le terrain», s’exclame-t-il. «Plusieurs fois, Calderon m’a hurlé dessus que si je n’arrivais pas à revenir défendre, il fallait que je sorte. L’inverse vaut aussi. On se gueulait dessus pour le bien de l’équipe, pas pour casser l’autre. Dès le moment où on arrivait au vestiaire, on était tous des frères. Personne ne pouvait toucher à mon frère. Si un adversaire taclait l’un des nôtres, un de nous prenait des nouvelles de notre coéquipier et les dix autres, on sautait sur le coupable pour lui dire qu’il ne finirait pas le match. Aujourd’hui, il n’y a pas de révolte, rien. Je ne comprends pas…»
«Donner le brassard à Balotelli est une honte. S’il a couru 1 kilomètre l’autre jour, c’est un maximum!»Alvaro Lopez
Dans son franc-parler habituel, l’ancien de Tourbillon dresse un constat sans appel, très critique. «Le FC Sion n’est pas une équipe», soupire-t-il. «Peut-être qu’il y a des problèmes à l’interne. Mais si c’est le cas, il faut que les joueurs se réunissent et qu’ils mettent tout sur la table. On n’arrive à rien si on se cache. Après, quand je vois qu’on donne le brassard de capitaine à Balotelli, je trouve que c’est une honte. S’il a couru 1 kilomètre l’autre jour, c’est un maximum! Et à la fin du match, il rentre en marchant aux vestiaires plutôt que d’aller saluer le public qui donne sa vie pour le club. Ça aussi, c’est une honte!»
Un cadeau empoisonné?
L’ancien rugueux milieu de terrain n’est clairement pas un partisan de «Super Mario» et il l’assure: cela ne date pas des dernières prestations très décevantes de l’Italien. «Quand je lisais dans les journaux au moment de son arrivée que Barthélémy disait qu’il était heureux d’avoir fait un cadeau à son papa avec ce transfert, je me disais déjà qu’il lui avait plutôt fait un cadeau empoisonné. Lorsque tu as joué dans dix, douze clubs et que tu as eu des problèmes dans deux d’entre eux, il n’y a pas de soucis. Mais regardez le parcours de Balotelli: partout où il est passé, c’était la m****, il a foutu le cheni. Il est venu ici pour faire ce qu’il veut.»
«Six défaites de suite à Tourbillon? Si ça nous arrivait à nous à l’époque, on creusait notre tombe et on se cachait dedans!» Alvaro Lopez
Lorsqu’on le lance sur les six défaites consécutives, série en cours, du FC Sion à domicile, Alvaro Lopez soupire encore. «Si ça nous arrivait à nous à l’époque, on creusait notre tombe et on se cachait dedans de honte! Arrêtons d’évoquer le caractère valaisan du FC Sion, ça n’existe plus. Le seul Valaisan qu’on a, c’est Karlen et on ne le fait pas jouer. Mettez-le sur le terrain et vous verrez qu’il se donnera plus que Balotelli. À l’époque, on avait la meilleure école de foot du pays. Aujourd’hui, on ne doit pas être loin d’être derniers à ce niveau-là. Ça montre aussi que le problème ne concerne pas que les joueurs et les entraîneurs. Il vient aussi de la direction.»
Alvaro Lopez (en blanc) en action lors de la finale de la Coupe de Suisse remportée par le FC Sion face à Bâle en 1982 (1-0).
En évoquant la direction, l’homme à la légendaire moustache pense évidemment en premier lieu à Christian Constantin. Il ne goûte que très peu à certaines méthodes présidentielles, à l’instar de la mise à l’écart d’abord temporaire de Fabio Celestini, l’entraîneur vaudois dont la fin de l’aventure en Valais a finalement été officialisée ce vendredi matin. «C’est du Christian tout craché», affirme Ciccio Lopez. «On doit être le seul club au monde à avoir le président et son fils sur le banc…Le directeur sportif ferait mieux d’aller observer des joueurs à gauche à droite pour trouver de vrais renforts.»
«Ce n’est pas le FC Sion qui a besoin de Constantin, c’est Constantin qui a besoin du FC Sion.» Alvaro Lopez
Suiveur attentif de tout ce qui touche, de près ou de loin, au FC Sion, Alvaro Lopez n’a évidemment manqué aucun épisode du feuilleton qui dure depuis la fin de l’année passée: les déclarations de Christian Constantin sur l’avenir du club valaisan. «S’il veut vraiment arrêter, qu’il arrête. Ce n’est pas le FC Sion qui a besoin de Constantin, c’est Constantin qui a besoin du FC Sion. Il y a des choses qu’il ferait mieux de ne pas dire. Comment les joueurs interprètent-ils ses déclarations? Sur ce point, je peux comprendre qu’ils ne soient pas au mieux dans la tête actuellement.»
Des anciens unanimes
Ces dernières semaines, au fil des rencontres et des désillusions sédunoises, il a en effet souvent été relevé que le problème principal du groupe actuel se situait au niveau psychologique plutôt que technique. «Malgré la situation et tous les manques relevés, je reste convaincu que ces joueurs ont du potentiel, à condition que la tête suive. Lorsqu’on en parle avec les autres anciens, on en revient tous à la même conclusion. On a mal au cœur de voir le FC Sion perdre. Après attention, si tu perds avec les honneurs, en t’étant battu, il n’y aucun souci. Ce qu’on reproche à cette équipe, c’est le fait de baisser les bras, d’avoir les oreilles en bas à la moindre difficulté. En tant que Valaisans, on a une fierté.»
«Pendant nonante minutes, les joueurs doivent être unis autour d’une chose: le bien du FC Sion. Rien d’autre.» Alvaro Lopez
Si les anciens préfèrent aujourd’hui majoritairement rester en retrait et suivre d’un regard extérieur les péripéties de «leur» club, Alvaro Lopez tente un message à ceux qui sont aujourd’hui en charge de (re)faire honneur au blason qu’ils portent sur le cœur. «Ce que j’aimerais leur dire si je les avais en face de moi, c’est que peu importe leur origine, leur religion, qu’ils soient catholiques, protestants, musulmans ou quoi que ce soit, je n’en ai rien à cirer, une fois qu’ils arrivent au stade, leur religion commune doit être celle du football. Ils ont la chance de faire un beau métier et d’être très bien payé pour ça. La moindre des choses à faire dans ces conditions, c’est de laisser de côté tous les problèmes externes une fois sur le terrain. Pendant nonante minutes, ils doivent être unis autour d’une chose: le bien du FC Sion. Rien d’autre.»
Le message de l’aîné à ses successeurs passera-t-il? Réponse dimanche dès 16h30 à l’occasion des retrouvailles avec Lugano à Tourbillon.