Léonard Thurre, un travailleur de l'ombre aux multiples missions au FC Sion
Ancien attaquant du club, international à huit reprises, Léonard Thurre a retrouvé le FC Sion depuis mars 2023. Intégré à la cellule scouting, il dévoile pour la première fois les différentes missions qui lui incombent en Valais.
Il est un visage bien connu du paysage footballistique romand. Durant sa carrière de joueur, il a porté le maillot du Lausanne-Sport, du Servette FC et du FC Sion, remportant la Coupe de Suisse avec chacun de ces clubs. Son CV recense également huit apparitions en équipe nationale. À 47 ans, Léonard Thurre est aujourd'hui régulièrement présent en tant que consultant à la télévision. Son statut de personnage public tranche pourtant avec la discrétion de son retour au FC Sion dont il a intégré la cellule scouting il y a plus de dix-huit mois maintenant.
Retour aux origines
"Je n'ai pas absolument besoin de montrer ma tête pour faire mon boulot", sourit-il lorsqu'on lui dit qu'il est un travailleur de l'ombre en Valais. L'ancien attaquant a évolué durant deux saisons à Tourbillon entre 2004 et 2006. "Plus qu'un retour aux sources, je parlerais d'un retour aux origines", relève le natif de Lausanne en référence à ses retrouvailles avec le club sédunois. "Mon père vient de Saillon où il vit à nouveau depuis sa retraite. N'oublions pas non plus que j'ai une mère jurassienne. Durant ma carrière, la question de mes origines était assez sensible. Je me qualifie aujourd'hui comme lausannois avec du sang valaisan et jurassien." S'il a grandi en terres vaudoises, Léonard Thurre a très vite entretenu un lien particulier avec le FC Sion, renforcé encore lorsqu'il en a porté le maillot et qu'il a vécu le doublé Coupe-promotion de 2006.
Léonard Thurre est donc officiellement revenu au club en mars 2023. "Je n'ai gardé que de bons souvenirs de mon aventure ici en tant que joueur et de la collaboration, déjà, avec Christian Constantin", relève-t-il. "Les discussions concernant mon retour ont eu lieu essentiellement avec Pablo (ndlr : Iglesias, le directeur du football qu'il avait déjà côtoyé à Lausanne dans le passé) et Barthélémy (ndlr : Constantin, le directeur sportif). Ils m'ont expliqué qu'ils souhaitaient renforcer leur cellule de scouting. J'ai rapidement été séduit par ce challenge excitant."
Concrètement, l'ex-buteur assume de nombreuses missions en Valais. "La première chose à faire est d'identifier les réels besoins du club. Cela se fait lors de réunions avec le staff et la direction sportive. L'important est d'anticiper un maximum de choses. Un contingent est en place avec un certain nombre de joueurs et en fonction de l'évolution de la saison, nous ferons en sorte de parer au plus pressé lors du mercato hivernal. Mon travail consiste à aller voir de nombreux matches pour observer l'un ou l'autre profil susceptible de faire évoluer notre groupe à l'avenir. J'établis ensuite des rapports dont on discute à nouveau en réunion. Je m'aide de certains sites qui permettent d'obtenir différentes datas sur les éléments observés. Un doute subsiste toujours lorsqu'un joueur présente de bonnes statistiques dans un championnat étranger. Saura-t-il les confirmer en Suisse? Mon rôle consiste à réunir un maximum d'informations afin de réduire les risques d'un mauvais choix."
L'exemple Mohcine Bouriga
Dernier exemple en date du travail d'observation et d'analyse effectué par Léonard Thurre : l'engagement de Mohcine Bouriga, qu'il est lui-même allé observer au Maroc. "Sur ce cas-là, il a fallu être assez rapide puisque son transfert s'est fait en toute fin de mercato. Je suis allé le voir dans son environnement de travail. Je suis arrivé le dimanche soir, je l'ai observé toute la semaine à l'entraînement avant de le voir en match le vendredi. Cela m'a permis de voir comment il se comportait en différentes situations." La principale difficulté rencontrée sur place a été la barrière de la langue. "Disons que j'étais persuadé que tous les Marocains parlaient français et j'ai appris que ce n'était pas forcément le cas avec lui. Heureusement, son ancien entraîneur (ndlr : Gu Li) est à moitié suisse et son directeur sportif était Tariq Chihab (ndlr : ancien joueur du FC Sion). Tous deux m'ont aidé à dialoguer avec lui. J'ai ainsi pu me renseigner sur sa vie privée, ses origines, ses habitudes. Je ne me suis pas contenté de dresser le profil d'un footballeur, mais d'un être humain au sens large."
En tant que premier relais du club, Léonard Thurre se renseigne donc sur le joueur, mais renseigne aussi ce dernier sur l'environnement qu'il retrouvera en Valais. "La proximité des montagnes n'a pas été un souci pour Bouriga puisqu'il vient d'un milieu assez similaire", relève-t-il. "Plus sérieusement, on présente toujours le club et la région même si beaucoup de joueurs connaissent déjà le FC Sion. Pour un Marocain, il était important de lui expliquer les particularités de notre canton et même de notre pays avec trois langues nationales. Nous parlons toujours de l'histoire du club, de ses titres et de la légende de la Coupe de Suisse. J'essaie d'être le plus précis possible pour convaincre le joueur de s'engager, mais tout ce qui concerne les questions contractuelles ne me regardent pas." Si le dernier mot revient toujours au président, au directeur sportif et à l'entraîneur, l'ancien attaquant se dit lui pleinement épanoui dans son rôle d'observateur et analyste.
La mission de Léonard Thurre en Valais ne s'arrête pas "seulement" à observer de potentielles recrues. Il s'engage également dans l'analyse des futurs adversaires du club sédunois. "Ce n'était pas prévu dans mon cahier des charges à la base, mais lorsque Didier Tholot est revenu au club après avoir passé plusieurs années hors de la Suisse, il m'a demandé de le faire. À chaque fois, je lui rends un rapport du match, mais surtout un rapport individuel sur chaque joueur adverse, en m'appuyant sur des datas de la saison en cours et de la précédente. Pas plus tard que le week-end dernier, je me suis rendu à Saint-Gall pour observer Servette (ndlr : adversaire du FC Sion le 19 octobre prochain). Le rapport a déjà été transmis pour que le staff puisse commencer à préparer ce derby."
Des entraînements spécifiques pour la relève
Engagé à temps plein par le club sédunois, l'ex-international n'a véritablement pas le temps de s'ennuyer. Il s'investit également de manière hebdomadaire sur le terrain auprès de la relève. "Chaque mercredi matin, je donne des entraînements spécifiques aux attaquants de notre secteur formation", explique-t-il. "Les défenseurs travaillent eux avec Adilson Cabral (ndlr : ancien joueur du Lausanne-Sport notamment) alors que Damien Claivaz supervise le tout en tant que talent manager. Travailler par groupes est très utile. Cela permet de progresser de manière spécifique en fonction de son poste. Tous ces jeunes sont très motivés à chaque fois."
Des jeunes qui ont faim, d'anciens pros pour les encadrer, l'avenir est en marche au FC Sion. Il traduit la structure mise en place par Pablo Iglesias ces deux dernières années. Un seul manque demeure et pas des moindres : un site unique, cette fameuse académie, où tous les meilleurs talents du canton pourraient se réunir pour travailler. "Disposer de quelque chose de telle serait magnifique pour le club. Les jeunes Valaisans le méritent, car ils sont plusieurs à avoir le talent nécessaire pour aspirer à devenir professionnels un jour et je sais que c'est ce qu'on aime ici. Voir un gamin du coin éclore en première équipe."